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Du rififi à Bangkok: Seiko VS Omega

L’histoire des confrontations entre les industries horlogères Japonaise et Suisse est passionnante et je vous propose d’en découvrir un premier volet avec la lutte acharnée que se sont livré Omega et Seiko après les Jeux Olympiques de Tokyo de 1964, au sujet des Jeux Asiatiques de Bangkok.

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Non, nous ne sommes plus en pleine guerre du Pacifique mais le 14 Août 1965 et la Gazette de Lausanne titre un article plutôt belliqueux.

Fort de son brillant succès lors des Jeux Olympiques de Tokyo en Octobre 1964, Seiko est devenu en moins de cinq ans un chronométreur sportif de haut vol, ses produits révolutionnaires pour l’époque leur ayant permis de remporter ce prestigieux contrat face à ses rivaux Suisses, à la tête desquels se trouve la manufacture Biennoise, Omega. C’est ainsi qu’après le succès des JO, Seiko soumet son dossier de candidature pour être chronométreur des Jeux Asiatiques de 1966, dont la cinquième édition doit se tenir à Bangkok en Décembre de cette année.

Seiko propose de mettre gratuitement à disposition, en plus des solutions de chronométrie, trois tableaux d’affichage électroniques géants d’une valeur de 250 000 Francs Suisses, avec un montant total des installations s’élevant à 500 000 CHF.

Les comité préparatoire de Bangkok ne reste pas insensible à cette proposition de Seiko survenue fin 1964, après les Jeux de Tokyo. Mais comme le révèle la Gazette de Lausanne, Omega a signé avec le comité un contrat d’exclusivité le 27 Avril 1964.

«Nous avons mis au point un matériel supérieur, sous différents aspects, à celui que notre société à utilisé pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Nous serions heureux de l’utiliser pour une épreuve internationale.» Voilà les dires d’un porte-parole de Seiko que cet article du 14 Août 1965 rapporte.

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Avec d’un côté la proposition alléchante de Seiko qui vient de battre Omega pour le chronométrage des Jeux de Tokyo et de l’autre côté un contrat signé avec Omega avant les JO de 64 et le succès de Seiko dans cette entreprise, le comité Thaïlandais ouvre une sous-commission chargée de trouver un compromis.

Mais Oméga refuse d’entrée de partager l’évènement avec Seiko, considérant que cette solution «présenterait un recul certain de son prestige sur les marchés d’Extrême Orient», et propose d’autres solutions au comité, avec le soutien de la Fédération Horlogère.

Cinq jours plus tard, le 19 Août 1965, la Gazette de Lausanne et le Journal de Genève publient tout les deux un article expliquant qu’Omega a également proposé sa candidature pour les Jeux de Mexico en 1968 dès Avril 64, en même temps que pour Bangkok, alors que Seiko ne l’a fait que fin 64, après la réussite des JO de Tokyo et en même temps que leur candidature pour Bangkok.

Quelques jours plus tard, Omega apprend que le comité d’organisation des Jeux de Mexico a décidé de leur confier le chronométrage de leurs épreuves.

Archives Omega - Credit Fratello Watches

Archives Omega - Credit Fratello Watches

C’est dans ce contexte tendu que la Fédération Horlogère Suisse fait passer son message au travers des deux journaux les plus importants de la Suisse Romande:

« Selon la Fédération Horlogère Suisse, la décision prise en faveur de l’industrie horlogère par le comité d’organisation mexicain est d’autant plus réjouissante qu’elle remet l’attribution du chronométrage sportif dans une perspective objective, c’est-à-dire fondée sur des critères purement techniques et sur la qualité des services proposés à l’exception de toute autre considération (contrairement à ce qui s’était produit lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 où l’attribution du chronométrage sportif n’avait pas fait l’objet d’une mise au concours en bonne et due forme).
Toujours selon la Fédération Horlogère, l’attribution du chronométrage des Jeux Olympiques de Mexico à l’industrie horlogère Suisse, succédant à des décisions similaires prises en vue des épreuves sportives internationales de Brazzaville, de Winnipeg, de Kingston, de Kuala-Lumpur et de Montréal, confirme la suprématie acquise par l’industrie horlogère Suisse dans le domaine du chronométrage sportif et de la mesure des temps courts. »

Voici comment se conclue cet article à charge contre Seiko, survenant dans un contexte déjà électrique, qui sonne autant comme une attaque frontale et injustifiée de Seiko que comme une tentative de se rassurer sur la prétendue suprématie Suisse.

Il est toujours bon de rappeler que les propos tenus alors par la Fédération Horlogère sont totalement faux puisque comme cela a été raconté dans l’article « Comment Seiko est entré dans le club très fermé du chronométrage sportif», c’est bien la supériorité technique déployée par Seiko qui lui a valu le contrat de Tokyo 1964.

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Le 30 Août 1965, L’impartial, journal de La Chaux-de-Fonds, consacre un article détaillé à la situation et nous apprend que l’histoire tourne à l’affaire diplomatique, puisque l’ambassadeur Thaïlandais en Suisse est convoqué au Département de politique fédérale après que le ministre des Affaires Étrangères Thaïlandais ait annoncé souhaiter donner la préférence à Seiko pour les Jeux Asiatiques. Quelques jours plus tard, c’est l’ambassadeur de Suisse à Bangkok qui est reçu par le Ministre des Affaires Étrangères pour lui présenter le contrat signé par Omega et l’informer qu’au besoin, la Suisse n’hésitera pas à faire appel à un tribunal d’arbitrage international.

Mais les organisateurs des 5èmes Jeux Asiatiques ont pris leur décision et «ont finalement accepté les offres de la maison Japonaise qui étaient de loin plus avantageuses» précise tout de même l’article.

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Après la Fédération Horlogère, c’est cette fois-ci Omega qui adresse directement son message au travers de cet article, arguant que Seiko a obtenu ce contrat grâce à son influence économique dans l’Asie du Sud-Est et dénonce «les méthodes de dumping Japonaises», raison de la mise en jeu d’une instance d’arbitrage international.

L’article se conclut sur la critique des soit-disant «méthodes Japonaises plus que douteuses» alors que celui-ci s’ouvrait sur une offre Japonaise plus avantageuse.

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Malgré les différentes invectives et menaces, un autre article dans l’Impartial publié en Décembre 1965 sur le combat horloger que se livre la Suisse et le Japon en Asie nous confirme qu’Omega a tout de même fait des contre-propositions en essayant de s’aligner sur l’offre de Seiko, mais visiblement sans succès.


Puis le 4 Mars 1966, la Gazette de Lausanne titre en gros, dans sa partie économique et financière, «Au profit d’une société horlogère Japonaise, Omega est privé  du chronométrage des 5èmes Jeux de Bangkok» alors que le journal de Genève réserve un petit encart dans sa page de politique internationale avec le titre discret «Vème Jeux asiatiques de Bangkok, Le chronométrage unilatéralement retiré à une maison Suisse». L’Impartial titre en gros, dans sa chronique horlogère, «Grave éviction au profit du Japon» alors que L’Express annonce que «Le chronométrage des 5èmes Jeux Asiatiques de Bangkok est unilatéralement retiré à une maison Suisse par les organisateurs».

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Les articles expliquent que le 2 Mars 1966, la décision finale d’attribuer les Jeux Asiatiques à Seiko a été prise par ses organisateurs... suite au refus d’Omega de partager le chronométrage avec Seiko ! 

Donc malgré les contre-propositions d’Omega et la proposition de partager l’évènement avec Seiko, malgré les menaces d’arbitrage international, ce sera bien Seiko qui sera en charge de déployer ses nouveautés technologiques et ses solutions de chronométrages pour les 5èmes Jeux Asiatiques, grâce à l’offre plus avantageuse dont il était déjà question plusieurs mois plus tôt.

Tout est prétexte à justifier la réaction d’Omega: Seiko joue la surenchère et le dumping, on fait appel à «l’esprit Olympique», on explique que le chronométrage des épreuves internationales est trop complexe pour être partagé, que le partage de l’évènement avec Seiko n’offre aucune «assurance technique» à Omega, on critique Seiko pour avoir mis la Thaïlande dans l’embarras et on va même jusqu’à dire que les considérations d’ordre technique, juridiques ou d’équité n’ont pas été prises en compte par les organisateurs ! 

La faute est rejetée aussi bien sur Seiko que sur les organisateurs, mais il n’est à aucun moment question de remettre en cause Omega et ses contre-propositions insuffisantes, qui visiblement ne permettent pas à la manufacture Biennoise de s’aligner avec les propositions de la manufacture Tokyoïte.

M Rajamani, 400m femmes

M Rajamani, 400m femmes

Les Jeux de Bangkok se dérouleront à merveille, avec deux modèles de montres bracelet vendues spécialement pour l’occasion avec le logo des Jeux gravé sur le fond de boîte, et de nombreux autres produits dérivés. Seiko restera chronométreur des Jeux Asiatiques jusqu’en 1994, chronométrant des dizaines d’autres grandes compétitions internationales.

Credit: Cedlamontre sur montrespourtous.org

Credit: Cedlamontre sur montrespourtous.org

Credit: badaxjava sur WatchUSeek

Credit: badaxjava sur WatchUSeek

Credit : OLD MAN Secret vintage watches sur Facebook

Credit : OLD MAN Secret vintage watches sur Facebook

Ce conflit qui aura vu s’affronter Seiko et Omega à la fin des années 60 est également une nouvelle occasion de voir comment la presse Suisse traitait les sujets horlogers touchant au Japon. Seuls les articles écrits par des personnes ayant vu de près l’organisation de l’industrie horlogère Japonaise mettent en garde sur les réelles menaces que représente la concurrence Nippone (comme c’est le cas dans l’article “L’horlogerie Suisse a t-elle perdue une bataille?”).

Au-delà du silence assourdissant sur les innovations Japonaises, le reste est constitué dans sa quasi totalité d’articles au mieux dénigrants, au pire faux sur Seiko et l’industrie Japonaise. Un autre exemple frappant de ce traitement médiatique biaisé est celui de la supposée affaire d’espionnage industriel qui verra à nouveau la Suisse tenter de mettre à mal l’industrie Japonaise au début des années 70, encore une fois sans succès... Mais c’est une histoire pour un autre jour !

Voici des extraits de publications internes à Seiko au sujet des Jeux Asiatiques de Bangkok. Une immense merci à Anthony Kable du site Plus9Time pour cette précieuse documentation !

Seiko Sales 11 et 12 de 1966 (faire défiler)

Journal interne de Suwa Seikosha, 1966

Journal interne de Suwa Seikosha, 1967 (faire défiler)

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[Documentation] L'arbre généalogique Seiko

Je vous propose ici un document unique en son genre, un “arbre généalogique” des différents mouvements mécaniques pour hommes développés par Seiko de la fin des années 50 à nos jours.

Il est parfois difficile de s’y retrouver dans la multitude des références qui ont existé dans l’histoire de Seiko, d’autant plus que les publications en Français sur le sujet sont quasiment inexistantes.

C’est pour cette raison que j’ai souhaité traduire un excellent diagramme qui se trouve dans le livre “Domestic Watch - Seiko Crown, Cronos, Marvel” de Yoshio Nagao & Yoshihiko Honda. Ce diagramme est une sorte d’arbre généalogique de tous les mouvements à remontage manuel de l’ère moderne de Seiko, des années 50 aux années 70.

Après l’avoir traduit, je me suis dit qu’il serait peut être intéressant de rajouter quelques mouvements automatiques qui ont clairement été l’évolution de mouvements manuels déjà présents sur l’arbre, donc autant en profiter. Puis les choses se sont accélérées et j’ai essayé de faire l’arbre le plus complet possible, depuis la Marvel (1956) jusqu’à aujourd’hui, en me concentrant uniquement sur les mouvements mécaniques.

Ce travail n’aurait évidemment jamais été possible sans les précieuses informations trouvée dans le livre de Honda san et Nagao san, ainsi que dans un autre livre de la même collection, “Domestic Watch – Seiko Automatic Updated Volume” par Mori Takeshi.

Ce diagramme méritera d’être peaufiné, corrigé, complété, mais cette première version couvre déjà la quasi totalité des mouvements mécaniques ayant existé. Certains mouvements n’ont pas été détaillés dans toutes les déclinaisons existantes, comme le 4S par exemple.

Une des difficultés réside dans le fait que Seiko ait changé de nomenclature pour les mouvements au début des années 60 en passant de 3 chiffres à 4 chiffres. D’autre part, à cette époque un mouvement correspondait à une gamme/un nom particulier (par exemple le cal.603 est exclusif à la Seikomatic), mais avec le temps, un même mouvement a fini par se retrouver dans différentes gamme et une même gamme peut utiliser plusieurs types de mouvements différents. Vous retrouverez donc à la fois des noms propres (Marvel, Cronos, Skyliner etc) et des références de mouvements (cal. 6216, cal. 76 etc) ou des mix des deux (Diver’s 6105).

J’espère que ce gros travail de recherche, traduction et mise en forme servira aux plus férus de vintage, ou au moins permettra de comprendre d’où viennent certains mouvements modernes aux curieux.


Bonne lecture !


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Arnaud.A Arnaud.A

L'horlogerie Suisse a-t-elle perdu une bataille?

« Il y a dix ans, la concurrence des produits Japonais n’était pas prise au sérieux. Seuls quelques producteurs avisés s’inquiétaient déjà, notamment aux Etats-Unis, en Allemagne et en Suisse. Mais le public haussait les épaules. Il “gobait” toutes les “histoires” des revendeurs; le Japonais copient, ils n’inventent rien, leur marchandise est de mauvaise qualité, etc. Depuis lors, cependant, devant les succès commerciaux de l’industrie Nippone - tant dans l’horlogerie que dans l’électronique, l’électro-ménager, la machine-outil ou l’optique - l’opinion publique prend conscience du défi Japonais. Longtemps endormi par les ragots, l’Occident se réveille, tout tremblotant. Ignorant hier la menace, il tent aujourd’hui de la parer. Nous n’examinerons ici qu’un volet du problème qui intéresse plus particulièrement les Suisses: l’horlogerie. »
— Journal de Genève du 19 Juin 1968

En poursuivant mes travaux de recherche sur Seiko, je suis tombé sur cet excellent article dans le Journal de Genève datant... du 19 Juin 1968 !! Et pourtant, en lisant cette introduction, on ne s'attendrait pas à un article qui remonte d'aussi loin !

https://www.letempsarchives.ch/page/JDG_1968_06_19/9/article/8102630/seiko

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Je dois bien dire que cet article dénote beaucoup dans la manière dont la presse Suisse a traité Seiko ces 50 dernières années, mais avec le recul et les données économiques/techniques/historiques à notre portée aujourd'hui, il est indéniable que l'auteur faisait ici preuve d'une très grande clairvoyance !

En effet, les années 60 ont été la décennie la plus marquante de l'histoire de Seiko avec la naissance de Grand Seiko, la victoire technique sur Omega et Longines pour chronométrer les JO de 1964 à Tokyo (pour ceux que ça intéresse, ça se passe par ici), une bataille acharnée avec Omega pour les Jeux Asiatiques de 1966 (article en cours d'écriture), la sortie de trois excellents calibres Hi-Beat en 1968 (manuel, auto et femme). 

Mais quelques mois avant la sortie de cet article, Seiko faisait surtout un tabac aux Concours de Chronométrie de Neuchatel et de Genève, un évènement décisif dans l'histoire de ces concours ayant débuté en 1872, puisqu'il s'arrêteront tout bonnement suite aux prouesses techniques des Japonais. En 1969, Seiko commercialise également les Grand Seiko VFA (pour Very Fine Adjusted), des montres avec une marche comprise entre +/- 2 secondes par jour ! Mais comme cela ne suffit pas, Seiko commercialise également en Mai 1969 le tout premier chronographe automatique au monde, puis quelques mois plus tard la toute première montre à quartz au monde.

"The rest is history" comme disent les anglophones, les années 70 seront le signe de la crise horlogère Suisse, surnommée à tort la crise du quartz. Mais il ne s'agira en fait que de ce que cet excellent article avait vu venir: la supériorité du modèle industriel Japonais sculpté par Seiko sur un modèle industriel Suisse dépassé. À ce sujet, lisez l'excellent article de Pierre-Yves Donzé si ça n'est pas encore fait !!

"Techniquement l'égal des Suisses", "à l'avant-garde sur le plan commercial", "les Suisses ont-il râté le coche?", l'auteur n'épargne pas les industriel Suisses mais son cri d'alerte n'a probablement jamais été entendu...

Aujourd'hui, le titre de cet article semble évident, il s'agit presque même d'une question rhétorique. Les années 60 et 70 ont été marquées par un ensemble de victoires Nippones dans le monde de l'horlogerie qui aura façonné l'histoire de celui-ci de manière indélébile.

Après presque un demi siècle, Seiko et Grand Seiko reviennent sur le devant de la scène avec la même ambition qu'ils ont affiché dans les années 60: tout faire pour battre les Suisses à leur propre jeu. Après des changements importants opérés ces dernières années aux Etats-Unis, ça va être maintenant vers l'Europe que va se tourner le géant Japonais... 

L'horlogerie Nippone remportera-t-elle à nouveau la prochaine bataille?

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Comment Seiko est entré dans le club très fermé du chronométrage sportif

L’histoire passionnante de la façon dont Seiko a réussi à devenir chronométreur officiel des JO de 1964 à Tokyo

Aéroport de Zagreb, Septembre 1962

Masatoshi Tohyama, responsable de la section recherche et développement de Seiko est à bord d’un vol qui doit l’emmener à Belgrade. Il est attendu par la commission technique du Comité Olympique pour présenter les chronographes que Seiko a développé en vue des Jeux Olympiques d’été de 1964 qui se dérouleront à Tokyo.
La pression est énorme et une responsabilité immense lui incombe. Il se souvient encore de comment toute cette histoire à commencé.

Masatoshi Tohyama

Masatoshi Tohyama

Au printemps 1960, son collègue Saburou Inoue (haut responsable de l’entreprise) est en déplacement à Zurich lorsqu’il reçoit un télégramme de son PDG, Shoji Hattori. «Tokyo accueillera les prochains JO. Comptons être chronométreurs officiels.».
Inoue-san envoie donc un collègue observer les JO de Rome en août 1960 car il doit gérer le mécontentement des nouveaux clients Américains quant au produits Japonais nouvellement importés. Il rentre finalement au Japon dépité par les retours clients, un directeur de boutique lui ayant même crié «Et vous osez appeler ça une montre?!».

Alors qu’il retrouve son bureau après ce voyage d’affaire difficile, Shoji Hattori, le PDG lui rend visite et lui demande de but-en-blanc «Alors, est-ce que vous êtes prêts?»
Comprenant qu’il voulait parler du projet pour les JO de 64, Inoue-san lui rétorque poliment que cela ne sera pas possible... «Et pourquoi pas? Vous avez quatre ans.» lui répond son PDG. «Désolé mais c’est impossible.»
Cela suffit à faire sortir Hattori de ses gonds. «Nos montres sont maintenant assez bonnes pour que le monde entier soit au courant ! Comment ça ‘c’est impossible’ ?! Je reviens dans une semaine et vous avez intérêt à être prêt !» puis il tourne les talons et s’en va...

Saburou Inoue

Saburou Inoue

Après l’humiliation subie aux Etats-Unis, Saburou Inoue sait que Seiko n’est pas prêt à assumer une telle tache. Il imagine déjà le déluge de plaintes qui pourraient s’abattre sur l’entreprise, voir même mettre en péril le bon déroulement de ces JO, les premiers à avoir lieu en Asie. Pire encore, c’est l’image du Japon qu’il craint de couvrir de honte en cas d’échec. La pression est trop grande et quatre années ne suffisent pas à un époque où les simulations par ordinateur n’existent pas et la recherche et le développement prennent énormément de temps. La tache semble d’autant plus insurmontable que contrairement à Longines ou Omega, Seiko n’a jamais produit de chronographe spécifiques à la chronométrie sportive...

Mais Shoji Hattori en est convaincu, Seiko chronomètrera les JO de Tokyo, il le faut. Il rend donc visite toutes les semaines à Saburou Inoue pour lui poser la question fatidique «Alors, est-ce que vous êtes prêt?» jusqu’à ce qu’il accepte finalement, à contre-coeur.

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Une voie grésillante se fait entendre dans les hauts-parleurs de l’avion: «Nous demandons à tous les voyageurs de bien vouloir descendre de l’avion le temps d’un ravitaillement. Vous pouvez laisser vos bagages à main à votre place.»

Masatoshi Tohyama hésite. Sa petite valise contient les 12 précieuses montres qu’il doit présenter au Comité Olympique, six chronos précis au 1/5ème de seconde et six chronos précis au 1/10ème de seconde. Le personnel de bord lui confirme qu’il peut laisser sa valise sur son siège et qu’il la retrouvera intacte après le ravitaillement. Mais horreur, lorsqu’il revient quelques minutes plus tard à sa place, la valise a disparu. Deux années entières de travail acharné de la part de centaines d’employés volatilisées en quelque secondes, tout comme la seule chance pour Seiko de chronométrer les Jeux Olympiques qui se tiendront dans son propre pays.

Alors que de grosses gouttes commencent à perler sur son front, il repense aux heures passées avec ses collègues.

Avant les JO de 1964, les chronométreurs étaient alignés sur la ligne d'arrivée et prenaient tous une mesure. Le temps officiel était calculé en faisant la moyenne des résultats obtenus. La précision des chronos Seiko permis de mettre fin à cette dr…

Avant les JO de 1964, les chronométreurs étaient alignés sur la ligne d'arrivée et prenaient tous une mesure. Le temps officiel était calculé en faisant la moyenne des résultats obtenus. La précision des chronos Seiko permis de mettre fin à cette drôle d'organisation.

Il repense à son ami ingénieur Shoichiro Komaki et à son robot déclencheur de chrono. Il l’avait utilisée pour montrer que les différences de mesure obtenues entre les différents chronométreurs d’une même épreuve n’étaient pas dues au facteur humain mais à la conception même des chronographes de l’époque. Il s’était rendu compte que même si un robot déclenchait simultanément plusieurs chronos, qu’ils soient Suisses ou Japonais, il existait une différence entre toutes les mesures, due au mécanisme de déclenchement.

Il repense à son autre ami ingénieur, Tatsuya Ishiwara, qui eut l’idée d’utiliser une came en forme de coeur pour le déclenchement et l’arrêt du chrono, supprimant ainsi les écarts de chronométrie observée entre différentes montres. Leur travail ingénieux et exemplaire avait permis, avec l’aide des dernières technologies, de créer des chronomètres d’une qualité et d’une précision exceptionnelles.

Il repense aussi aux équipes ayant travaillé d’arrache pied pour développer des chronos précis au 1/10ème et même au 1/100ème, avec des échappement galopant à 36,000 et 360,000 battements par heure. Depuis un an, les trois grandes usines de Seiko se partagent déjà le développement et la production d’énormes horloges, de chronographes à quartz, de chronographes à imprimante instantanée etc.

Mais heureusement, ces quelques minutes d’inattention à bord de l’avion n’auront couté aucun dommages à Masatoshi Tohyama et à sa maison mère, puisque sa valise sera très vite retrouvée sur le tarmac avec ses montres intactes. Plus de peur (sûrement une des plus grandes de sa vie !) que de mal. Il finira tranquillement son voyage jusqu’a Belgrade, cramponné à sa précieuse cargaison.

Extrait d’un catalogue de 1964

Extrait d’un catalogue de 1964

La veille du rendez-vous avec le Comité Olympique, le président de l’Association Japonaise des Fédérations d’Athlétisme demande à tester les montres amenées par Tohyama-san. Et là, un des six chronos aux 1/5ème montre un problème de synchronisation des aiguilles et le président de l’AJFA lui dit immédiatement que si cela se produisait demain, la réunion serait pliée en moins de temps qu’il faut pour le dire...
Tohyama-san prend donc la décision d’éliminer le chrono défectueux de sa sélection et, pour faire part égale, élimine également le chrono précis au 1/10ème dont le «tic-tac» est le plus faible. Il présentera donc dix montres au-lieu de douze au jury très exigeant qui l’attend quelques heures plus tard.

Mais les mésaventures de ce pauvre Tohyama-san ne s’arrêtent pas là...

Il apprend que ses montres passeront le lendemain entre les mains de deux experts chronométreurs réputés pour leur intransigeance, Messieurs Pain et Paulen (secrétaire et président de l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme) , ce dernier ayant la réputation de toujours avoir une chrono sur lui et de contester des mesures officielles quand celle-ci s’écartaient des siennes. Un sacré personnage...

Alors que notre ami ingénieur chez Seiko tente de dissimuler son stress, Monsieur Paulen commence son rituel lorsqu’il s’agit de tester un nouveau chronographe: il empoigne une montre dans chaque main et les déclenche instantanément. Après quelques secondes, il les arrête puis compare l’écart entre les deux. Il les relance ensuite avant de les arrêter au bout de quelques minutes et de comparer à nouveau. Il les laisse enfin tourner une heure et procède au dernier relevé.

Photo prise au Seiko Museum de Tokyo

Photo prise au Seiko Museum de Tokyo

Pendant ce temps, Tohyama-san présente au comité les différents modèles sur lesquels travaillent ses ingénieurs: chaque sport a droit à son modèle, que ce soit le hockey sur gazon et ses trois périodes de 35 minutes, le basketball et ses quatre quart-temps, l’aviron et son chrono qui permet de compter le nombre de coups de rame par minutes ou leur tout nouveaux chronographes à rattrapante.

Quand vient la fin de l’heure de test, Mr Paulen est sous le choc: l’écart entre les deux chronos qu’il tient est de moins de 0,1 secondes.
Tohyama-san explique donc le principe mis en oeuvre par son amis Ishiwara afin d’étancher la curiosité de Mr Paulen face à de telles montres, et celui-ci est conquis.

Le comité tranche et explique à Masatoshi Tohyama qu’ils ne donnent pas le titre de chronométreur officiel à Seiko car les Jeux sont organisés dans leur propre pays mais parce que leurs chronographes sont bien meilleurs que tous ceux qu’ils avaient vu.

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C’est ainsi que Masatoshi Tohyama permis de concrétiser le projet fou de Shoji Hattori et d’offrir à Seiko le titre de chronométreur officiel de Jeux Olympiques d’été à Tokyo.

Jesse Owens teste le chrono Seiko aux côtés de Shoji Hattori (gauche) et Reijiro Hattori (droite) lors d'un évènement à Tokyo en 1964 Credit: The Ohio State University Archives

Jesse Owens teste le chrono Seiko aux côtés de Shoji Hattori (gauche) et Reijiro Hattori (droite) lors d'un évènement à Tokyo en 1964
Credit: The Ohio State University Archives

Cet évènement marquant pour l’histoire de Seiko aura de nombreuses répercutions sur l’avenir de la manufacture. En effet, il s’agit du début de la très riche histoire de la chronométrie sportive pour Seiko, mais ce fut également l’occasion pour eux de sortir un grand nombre de montres d’excellente qualité, comme la première montre-bracelet avec chrono et roue à colonne du Japon, les fameux modèles mono-poussoirs Crown Chronograph (5717 et 5719) ou le graal des amateurs de chronos Seiko, le Count-Graph et son compteur de tours.

C’est également lors de cette compétition que Seiko sortit le Crystal Chronometer QC-951, qui fut utilisé pour les JO mais également des expéditions en Antarctique, pour la précision des trains à grande vitesse Japonais, des transports publiques ou pour différentes armées. Elle joua aussi un rôle clé dans le développement de la première montre à quartz commercialisée au monde, l’Astron 35SQ.

Credit: Seiko Museum

Credit: Seiko Museum

Enfin, c’est aussi pour les JO de 64 que Seiko mis au point une imprimante qui permettait d’imprimer instantanément les résultats des courses. Cette technologie fut remarqué par beaucoup et c’est de là qu’est née la marque Epson qui n’est qu’une des nombreuses divisions du groupe Seiko.

Cliquez pour faire défiler les photos

Crédit: Seiko Museum

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Les évolutions de Grand Seiko depuis 60 ans

Comprendre comment Grand Seiko a su évoluer et se réinventer au cours des 60 dernières années peut permettre de mieux appréhender les changements actuels que traverse la marque.

Grand Seiko connait depuis quelques années un réel essor chez les amateurs d’horlogerie et ce nom n’est plus un secret pour grand monde aujourd’hui. Avec cette popularité naissante, l’histoire de la marque commence également a être contée ci et là, que ce soit par la marque ou ses amateurs.

Dernièrement, Grand Seiko a annoncé de nombreuses nouveautés qui en auront surpris plus d’un, en bien ou en mal. Afin de mieux appréhender ces grands changements, je vous propose de faire un petit saut en arrière pour de voir comment la marque a évolué au fur et à mesure de son histoire et quels sont les virages qu’elle a pris pour se réinventer au cours du temps.




18 Décembre 1960 - 24 Décembre 1969 : La naissance de l’excellence horlogère Nippone




L’idée de Grand Seiko est née à la fin des années 50, alors que Seiko s’était imposé sur le marché Japonais et dans les concours de chronométrie Nippons.

Credit image: Grand Seiko

Credit image: Grand Seiko

A l’origine, il ne s’agissait que d’une montre, mais pas n’importe laquelle: la Grand Seiko devait être la meilleure montre possible, celle qui devrait permettre aux Japonais de battre les Suisses. Les équipes qui ont travaillé sur cette montre y ont mis tout leur savoir-faire, toutes les compétences, et ce sans se soucier du prix final de la montre. Il fallait tout simplement faire la meilleure montre possible, peu importe son coût.

La résultat était une montre plaqué or (Gold Fill pour être exact) à 25,000¥, soit plus cher que les plus chères des Seiko en or 18 carats alors disponibles. Sans parler de la version en platine, au prix de 140,000¥. Pour remettre ces chiffres en perspective, le premier salaire moyen d’un diplômé d’université au Japon était d’environ 10,800¥ en 1960.

Ce qui n’était à l’origine qu’un seul modèle - la «First» puis la 57GS etc - s’est progressivement transformé en une gamme composée de plusieurs modèles. Cette gamme était construite autour de valeurs fortes: la précision, lisibilité, fiabilité, la durabilité, la praticité, la beauté... Mais la précision a toujours été la valeur centrale de Grand Seiko.

C’est avec cette ligne directrice que la gamme a évolué au fil des années 60 en innovant avec leur premier mouvement automatique dans la 62GS en 1967, avec leurs premiers mouvement Hi-Beat en 1968 dans les 45GS (manuelle), 61GS (automatique) et 19GS (pour femme).



1969 : année ... charnière



Puis en 1969, Grand Seiko sort sa première VFA ou Very Fine Adjusted, une montre donnée pour une précision de +/- 1 minute par mois, soit 2 secondes par jour. Il s’agit là d’un exploit remarquable et uniquement égalé il y a quelques années par Rolex. 

Credit Image: Grand Seiko

Credit Image: Grand Seiko

Les VFA marquent le succès de Seiko dans la manufacture des montres mécaniques les plus précises de leur époque, l’aboutissement d’un travail acharné, le sommet de ce qu’une montre mécanique peut offrir en terme de chronométrie et l’incarnation même de la valeur la plus importante de Grand Seiko: la précision.

Mais en 1969 sortira une autre montre qui fera de l’ombre à la VFA: la Seiko Astron 35SQ. Il s’agit bien évidemment de la première montre à quartz commercialisée dans le monde, et sortie le 24 Décembre 1969. Elle est donnée pour une précision de +/- 5 secondes par mois, soit 30x mieux qu’une VFA.

Credit Image: Seiko

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Ces deux montres remarquables, les VFA et les Astron, vont avoir un rôle crucial dans l'évolution de Grand Seiko. Que peut devenir la marque qui incarne la quête de la perfection chronométrique des montres mécaniques quand celle-ci a été atteinte avec les VFA et pulvérisée avec l’arrivée du quartz?

La marque va donc opérer un réel tournant à partir de 1970.



1970 - 1975 : le renouveau nécessaire



Les années 70 ont été un vrai tournant dans l’histoire récente de nos sociétés, un chamboulement profond à tous les niveaux et ce partout dans le monde.

A une échelle beaucoup plus humble, l’horlogerie a également connu de grands changements, entre autre avec l’introduction sur le marché par Seiko des premières montres à quartz.

C’est dans ce contexte particulier que Grand Seiko a dû se réinventer pour continuer d’exister. Là où la gamme s’étendait sur quelques modèles relativement sobres, représentant le fleuron de l’horlogerie Japonaise, les années 70 pour Grand Seiko vont voir des changements majeurs.

Credit Image: www.dcfever.com

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Credit Image: horlogeforum.nl

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Pour commencer, Seiko va déployer son calibre 56 dans la gamme GS, avec évidemment des ajustements chronométriques à la hauteur de la marque. Le calibre 56 est le premier mouvement dont la fabrication est automatisée, ce qui réduit grandement le coût de production. C’est également un mouvement qui revient à une fréquence plus basse de 28,800 alternances par heure, considéré à l’époque comme plus durable (moins de frottements etc). Mais surtout, c’est un mouvement automatique beaucoup plus fin que ceux conçus jusqu’à présent. Il s’agira du dernier nouveau mouvement pour GS, qui se concentrera désormais sur l’habillage plus que sur la technique horlogère.

On voit donc beaucoup de changements esthétiques. D’un point de vue du design, Grand Seiko va proposer un florilège de déclinaisons, de couleurs, de cadrans et de boitier texturés. La Grammaire du Design évolue et est appliquée à des designs plus modernes, plus originaux, plus «funky».

Je n’irais pas jusqu’à parler d’une démocratisation de Grand Seiko, mais on sent clairement qu’une nouvelle dynamique est mise en place pour GS et les prix sont revus clairement à la baisse. 

Le quartz est devenu le nouveau fleuron de l’horlogerie Japonaise et les montres mécaniques passent au second plan. Au point qu’en 1975, la gamme Grand Seiko est tout bonnement arrêtée au profit du quartz qui est le nouveau haut de gamme. C’est la fin d’une période, c’est la fin de l’excellence mécanique de Grand Seiko.



1988 : un retour inattendu



Après 13 années de sommeil, Grand Seiko sera ressuscité de la manière la plus inattendue possible: avec du quartz !

Credit Image: Grand Seiko

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Cette technologie même qui a causé la disparition de Grand Seiko en milieu des années 70 va permettre la renaissance de la gamme à la fin des années 80, d’abord avec les calibres 8N, 95 puis le fameux 9F.

Pendant 10 ans, Grand Seiko va produire quelques modèles en acier et en or, en restant dans des designs sobres et classiques, inspirés des grandes heures de la gamme.
Cette période reste malgré tout difficile pour Seiko qui se développe énormément sur l’entrée de gamme mais qui peine à retrouver le succès des années 60 et 70.


Il faudra attendre 10 ans avant de voir enfin un mouvement mécanique à nouveau dans une Grand Seiko.



1998 - 2017 : le début d’une nouvelle ère



Avec la sortie en 1998 du calibre 9S, c’est un nouveau souffle qui s’empare de Grand Seiko. Alors que les montres mécaniques font leur retour sur le devant de la scène horlogère, c’est sous la direction d’Akira Ohira que GS va retrouver ses lettres de noblesses avec la création d’un nouveau calibre d’exception, inspiré des meilleurs mouvements Seiko des années 70, et plus particulièrement le calibre 52.

Après des débuts timides à la fin des années 80, GS va peu à peu redorer son blason et retrouver ses lettres de noblesse. 

Credit Image: Grand Seiko

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L’innovation sera au rendez-vous avec de nombreux nouveaux mouvements, parmi lesquels un mouvement automatique avec 3 jours de réserve de marche, une version manuelle, une version GMT, un tout nouveau mouvement Hi Beat et Hi Beat GMT, le fameux Spring Drive ainsi que ses versions GMT et/ou chronographe etc.

Le design est au rendez-vous avec des versions modernisées de la Grammaire du Design, des designs puisés dans la riche histoire de la marque, de fabuleux cadrans texturés, des finitions exceptionnelles. Petit à petit, le secret bien gardé de l’excellence de GS dépasse les frontières du Japon puis de l’Asie, entre autre grâce à l’ouverture de la première boutique Seiko au monde à Paris.

Credit Image: GNKT Blogspot

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En 2014, Grand Seiko remporte le Prix de la Petite Aiguille au Grand Prix d’Horlogerie de Genève, une étape marquante dans la popularisation de la marque à l’international.

Après l’âge d’or de GS dans les années 60, nous assistons ici au nouvel âge d’or de GS à l’ère moderne.


2017 - 2020 : un nouveau virage pour Grand Seiko



Credit Image: ABlogToWatch

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En 2017, Grand Seiko prend un virage significatif en décidant de s’ouvrir officiellement au marché international et de devenir indépendant de Seiko, bien que toujours rattachée au groupe éponyme. Cela se matérialisera dans un premier temps par la disparition du logo SEIKO sur les cadrans au profit du logo GS à 12h.

Ce qui pouvait sembler dans un premier temps n’être qu’un simple geste marketing aura des conséquences claires dans les mois et les années qui suivent et je pense que nous n’avons pas encore tout vu à l’heure actuelle. Grand Seiko se structure progressivement, ouvre des boutiques en nom propre aux quatre coins du globe, ouvre des succursales indépendantes avec de nouvelle équipes en charge de la marque.

Dans les produits, on voit également une volonté de s’ouvrir et de s’adapter aux goûts des clients occidentaux. Petit à petit, on sent que Grand Seiko écoute ce qu’attendent les clients avec des montres plus adaptées à la demande, avec des diamètres plus généreux, des couleurs plus marquées, des textures plus visibles, la mise en avant du savoir-faire Japonais, le tout pour répondre à ceux qui trouvaient les Grand Seiko trop froides ou chirurgicales. Mais on voit également apparaître des montres plus fines, de nouveaux mouvements, beaucoup de nouveautés très variées…

Cela s’accompagne également d’une nouvelle politique très claire: positionner Grand Seiko sur un segment plus élevé, globalement autour des 10 000€ et beaucoup plus haut.

Et je pense que 2020 sera sans aucun doute l’année qui reflètera le plus clairement cette nouvelle stratégie, à l’orée des 60 ans de la marque.

Grand Seiko a déjà annoncé quelques nouveautés, et pas des moindres: deux nouveaux mouvements entièrement revus de A à Z, de nouvelles pièces du Micro Artist Studio qui pulvérisent les prix plafonds constatés jusqu’à présent chez Grand Seiko (dont une montre mécanique, une première pour le MAS) et un tout nouvel atelier d’assemblage pour les Grand Seiko mécaniques à Shizukuishi. Et quelque chose me dit qu’on n’est pas au bout de nos surprises... 

2020, c’est également l’année de lancement de Grand Seiko Europe, un succursale indépendante qui chapeautera tout ce qui touche à Grand Seiko en Europe continentale. Et c’est également l’équipe de GS Europe, dirigée par Frédéric Bondoux sous la houlette d’Akio Naito, qui sera en charge de la nouvelle boutique située Place Vendôme.



Où va GS maintenant?



Le nouveau Grand Seiko Studio de Shizukuishi - Credit Image: Fratello Watches

Le nouveau Grand Seiko Studio de Shizukuishi - Credit Image: Fratello Watches

Il est encore tôt pour tirer des conclusions sur tout ça, mais il me semble important de rappeler que Grand Seiko a connu différentes ères dans son histoire, que les valeurs chères à cette marque ont su être déclinées de différentes façon tout en gardant une certaines fidélité à l’esprit d’origine. Et il me semble essentiel qu’une marque puisse évoluer et s’adapter aux changements du marché, de la société, des pratiques etc.

Je fais partie de ceux qui ont connu Grand Seiko dans ses heures de gloires au début des années 2010, avec la naissance des 44GS modernes, la popularisation difficile du Spring Drive, le GPHG de 2014 etc. Et il est clair que cette période est aujourd’hui révolue. Comme je l’ai déjà dit ailleurs, c’est un peu comme voir son groupe de rock indie préféré passer des petites salles intimes aux plus grands festivals, devenir disque d’or et «commercial». Et nombreux sont ceux qui n’approuvent pas cette nouvelle politique, que ce soit parmi les fans des premières heures ou les plus récents convertis.

Les designs plus flashy et les montres très ornementées ne sont pas ma tasse de thé, ou du moins ne rentrent pas dans la représentation que je me fais de Grand Seiko. J’ai l’impression que la marque s’efforce de plaire aux gros acheteurs du Moyen Orient et de Chine, en perdant quelque peu la sobriété toute Nippone qui m’était si chère. C’est un choix politique tout à fait logique et la direction que prend la marque est claire: vendre moins de pièces, mais à un prix plus élevé. Et c’est peut être ce qui me dérange le plus.

Là où la Grand Seiko First de 1960 coûtait cher parce qu’elle représentait l’excellence du savoir-faire de la marque, j’ai l’impression que les derniers modèles présentés coûtent cher pour des raisons uniquement politiques. Et après tout, on ne peut pas leur en vouloir pour ça, le Seiko Group est bien là pour générer du bénéfice avant tout. Mais il y a une grande différence entre faire une montre chère parce qu’elle est excellente, et concevoir une montre pour qu’elle soit chère.

Credit Image: WatchesBySJX

Credit Image: WatchesBySJX

Mais malgré toutes ces critiques, il y a du positif: Grand Seiko continue d’innover avec ses deux nouveaux mouvements 9SA5 et 9RA5 qui apportent chacun leurs lots d’innovations et d’améliorations. Ce sont également des mouvements plus fins, ce qui est une excellente nouvelle. On voit également que Grand Seiko adapte ses infrastructures pour répondre à la demande croissante et c’est peut être la meilleure nouvelle de cette année 2020 pour GS. C’est une critique qui était souvent faite depuis l’ouverture de la marque au marché international. Compte tenu de la production quasi-artisanale de la marque, il semblait difficile de maintenir la qualité tout en augmentant la production sans avoir à pousser les murs. Il faut maintenant espérer que la formation des horlogers GS de demain et des centres de SAV suive la même dynamique. 

Reste également à savoir comment seront positionnées les montres équipées du 9SA5 et 9RA5 dans les prochaines années. Je pense que pour l’instant, GS gardera les mouvements actuels dans les gammes de prix que l’on connait, et les nouveaux mouvements dans des montres autour des 10 000€. Puis petit à petit, les anciens mouvements seront remplacés par de nouveaux pour recentrer la marque vers ce qu’elle avait annoncé, tout en gardant des modèles plus abordables autour des 3000/7000€ comme c’est actuellement le cas.



Conclusion


On voit donc qu’au cours des 60 dernières années, Grand Seiko a su évoluer, s’adapter, se transformer tout en restant fidèle à ses valeurs d’origine. Je reste persuadé que malgré les transformations progressives de ces dernières années, Grand Seiko continuera de proposer des montres fabuleuses dans des budgets plus humains et même si je ne suis peut être plus dans le coeur de cible de la marque, je suis quand même curieux et excité de voir où cette nouvelle dynamique va nous amener et ce que nous réserve cette nouvelle ère pour GS. Parce que malgré tout, Grand Seiko restera toujours une marque très chère… à mon coeur !













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