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Grand Seiko pour les nuls - Le design (partie 1)

Au travers d’une série d’articles qui reprend le fameux nom “… pour les Nuls”, je vous propose de découvrir de manière claire et synthétique les codes de Grand Seiko. Dans cette première partie, il sera question du design propre à la marque et à son évolution de 1960 à ce jour.

Grand Seiko est une marque qui commence à prendre beaucoup d’ampleur auprès des amateurs de montres et on commence à en entendre parler un peu partout. Que ce soit sur les gros blogs comme Hodinkee ou A Blog to Watch qui n’ont cesse d’encenser la marque Japonaise, ou même à la TV et à la radio.

Depuis que GS est devenue une marque séparée de Seiko, un virage assez marqué a été pris en terme de communication et Grand Seiko n’est plus un secret bien gardé entre quelques collectionneurs aguerris mais une marque qui commence à se faire tranquillement connaître et respecter à sa juste valeur.

Seulement, voilà, Grand Seiko est une marque qui a besoin d’être présentée, expliquée, décryptée pour bien comprendre ce qu’elle représente, ses codes, son ADN, ses valeurs, sa philosophie. Nous avons maintenant la chance d’avoir un réseau GS qui grandit de jour en jour pour apprécier les belles en chair et en acier, et une foultitude de photos sur le web. Mais s’arrêter là serait bien dommage quand on peut finalement assez simplement faire comprendre les spécificités de cette belle marque à quiconque souhaite les comprendre.

Le but de cette série d’articles “Grand Seiko pour les nuls” est donc de décrypter de manière abordable, simple et la plus synthétique possible les grandes lignes de ce qui fait Grand Seiko. Je m’adresse donc ici en priorité à ceux qui ne connaissent pas encore cette belle marque.

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1960: les débuts de Grand Seiko

Quand Seiko sort sa première Grand Seiko en 1960, le design de cette montre est tout à fait classique, bien exécuté mais pas particulièrement novateur.

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

En 1963 sortira le deuxième modèle de Grand Seiko, la 57GS. Elle reprendra globalement le design du premier modèle mais dans une version modernisée avec un boitier plus imposant, des cornes plus larges, mais toujours les mêmes chanfreins, et le même design pour les aiguilles et les index.

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

Ces deux premiers modèles seront une source d’inspiration de certains modèles modernes, j’y reviendrai plus tard.

En 1967 sortira le troisième modèle de Grand Seiko, la fameuse 44GS, un modèle qui aura un impact énorme dans l’identité visuelle de Grand Seiko.

 

Taro Tanaka et la grammaire du design

Taro Tanaka est le premier diplômé d’une école de design à intégrer Seiko. Avant ça, il n’y avait pas de designer chez Seiko et même pas d’équivalent en Japonais pour expliquer le rôle d’une telle personne. C’est lui qui apportera à Seiko une vision du design de la montre dans sa globalité.

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Tanaka mettra au point un ensemble de règles de design qui définiront le style de Seiko, que l’on a nommé par la suite «Grammaire du Design» (mais que les Japonais appellent simplement le style Seiko).
Le but est de créer un ensemble de règles qui définiront l’identité visuelle de la marque et bien que ces règles aient été pensées pour Grand Seiko, elles seront appliquées de manière plus ou moins marquées dans différentes collections Seiko.

Le design des Grand Seiko devait être au service des valeurs fondamentales de GS: la lisibilité, la précision et la durabilité. Ainsi, le design des GS est toujours pensé pour aller dans le sens de la lisibilité et dans ce domaine, rien n’est laissé au hasard.

Il existe plusieurs «version» de ces règles, mais on pourrait les résumer en quelques points qui sont:
- l’utilisation de surfaces planes et parfaitement polies pour le boitier. Aucune partie du boitier ne doit être arrondie
- les aiguilles et les index doivent être facetés pour renvoyer au mieux la lumière pour une bonne lisibilité dans toutes les conditions de luminosité.
- la lunette doit être polie et présenter deux facettes, une plate et une en biseau

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On pourrait considérer d’autres détails mais voici au moins les grandes lignes. Si vous voulez aller plus loin, il existe beaucoup de sources intéressantes sur ce sujet.

Mais ce qui est intéressant, c’est plutôt de comprendre la philosophie de ce design, son inspiration, sa raison d’être. Le design de GS est un design qui se veut sobre et qui s’inspire de code très Japonais.

Pour comprendre ça, il faut comprendre ce qui a poussé Taro Tanaka a mettre au point cette Grammaire du Design.

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Un beau jour de 1962, Tanaka se rend à Wako, un grand magasin de luxe appartenant au groupe Seiko et qui vend de grandes marques Suisses aux côtés de sa propre production. En rentrant, Tanaka a tout de suite été attiré vers une vitrine qui lui avait tapé dans l’oeil à cause de la brillance et de l’éclat des montres qui s’y trouvaient. C’est en arrivant presque machinalement devant la vitrine qu’il se rendit compte que les montres qui l’avaient hypnotisé jusqu’ici n’était pas des GS mais des montres Suisses. Et dans la vitrine d’à côté, les Grand Seiko semblaient bien ternes par rapport à la production Européenne. C’est là qu’il décida qu’il devait donner un éclat à ses montres pour qu’elles attirent tout de suite l’oeil des clients qui passent par là.

Comme cela a déjà été expliqué dans l’article consacré à Taro Tanaka, il ne s’agissait pas d’une flânerie impromptue mais bien d’une volonté forte de Seiko de “rattraper et dépasser la Suisse”, cette expression étant le mot d’ordre donné par Shoji Hattori, le président du groupe et fils de Kintaro Hattori.

C’est donc la deuxième caractéristique du design des GS, en plus d’être lisibles elles doivent proposer une brillance, un éclat caractéristique qui les distinguent de toutes les autres.

L’idée centrale derrière la Grammaire du Design, c’est celle des contrastes, des clairs obscurs, des dégradés et de la façon dont la montre va jouer avec la lumière et l’ombre.

Je vous invite déjà à remonter de quelques lignes et re-regarder la photo de la 44GS et d'apprécier les contrastes et les jeux de lumière qu'offre déjà cette simple photo de la montre...

C'est bon, vous avez bien regardé? Bon, on peut continuer

 

L’inspiration derrière la grammaire du design

Fier des racines Nippones de la marque et de son héritage culturel, Taro Tanaka s’inspira fortement de cette culture pour mettre au point la grammaire du design. En effet, les notions d’ombre et de lumière font partie intégrante de l’esthétique Japonaise et c’est avec cette philosophie qu’il a développé le Seiko Style.

On peut noter deux influences majeures dans ces influences.

La première, ce sont les portes shoji, ces panneaux coulissants recouverts de papier washi, le papier traditionnel Japonais.

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Il s’agit d’un point essentiel de l’architecture traditionnelle Japonaise depuis des siècles et la particularité de ses portes est de créer un lien lumineux entre l’intérieur et l’extérieur au travers de nombreux jeux de lumière au cours de la journée, le tout en s’appuyant uniquement sur des lignes droites et des surfaces planes. Il s’agit d’une expression singulière d’une sensibilité esthétique très Japonaise qu’on retrouve ailleurs, comme dans les ombrelles traditionnelles. Des formes épurées et simples qui permettent des jeux de lumière complexes et changeants.

Une autre inspiration de Taro Tanaka fut la taille des diamants. En effet, les diamants répondent à des critères et des codes de taille très spécifiques qui ont pour but de donner une brillance maximale à la pierre.

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De la même manière, Taro Tanaka va tailler ses boitiers comme des diamants, s’assurant que ceux-ci ont une brillance optimale et un éclat unique, comme un beau diamant.
Les designs des boitiers de GS sont donc étudiés avec des cotes très précise, des angles et surfaces plates pensées pour tirer le maximum du boitier et lui donner cet aspect qui n’est pas sans rappeler le diamant, que ce soit par sa forme ou sa brillance. Ceci n’aurait jamais pu être possible sans le nouveau standard de design mis au point par Taro Tanaka. Si vous ne savez pas de quoi je veux parler, rendez-vous sur l’article qui reprend les grands axes de la carrière de Tanaka.

 

Le fameux polissage zaratsu…

Pour tirer un maximum de brillance et d’éclat du boitier, il faut donc des surfaces parfaitement planes et des angles vifs. Un diamant arrondi perd tout son éclat et sa valeur...
Pour cela, il fallu utiliser une technique de polissage parfaite qui donne des surfaces au poli miroir immaculé et sans aucune distorsion, tout en respectant les angles vifs qui structurent le boitier.
C’est ainsi qu’est née la technique dite «zaratsu», nom qui vient des machines Sallaz, des polisseuses (lapidaire) Allemandes importées au Japon puis modifiées avec une technique adaptée pour obtenir un poli miroir parfait.

Pour faire simple, le polissage zaratsu correspond au poli bloqué ou poli noir qu’on retrouve sur certaines pièces des mouvements en «Haute Horlogerie»: cette fois-ci, au lieu d’appliquer la pièce sur une plaque de zinc avec un agent polisseur, c’est la plaque de zinc qui tourne et le boitier y est appliqué à la main. C’est une technique très très longue qui demande une maîtrise parfaite des gestes acquise après des années d’entraînement.
Là où on retrouve ce type de polissage sur des têtes de vis ou des coq de balancier sur des pièces d’exception, GS l’applique sur les aiguilles, les index, les bracelets et l’intégralité des boitiers. Le brossage ne se fait qu’après, à la main, sur les zones dédiées. Le poli miroir parfait de ces parties permettent de donner un vrai éclat aux parties brossées.

Credit: Joe Kirk

Credit: Joe Kirk

Il y aurait encore beaucoup beaucoup de choses à raconter sur le polissage zaratsu mais pour l’instant, je m’en tiendrai à ça.
L’utilisation du zaratsu n’est finalement qu’une conséquence de la philosophie du design GS. 
Je m'arrête là pour le zaratsu, cette seule technique mériterait un long article à elle seule !

 

La fameuse 44GS

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Donc en 1967 sort la 44GS, première incarnation totale de la Grammaire du Design, un jalon dans l’histoire de Seiko puisqu’elle marque un changement radical dans l’identité visuelle de Seiko et Grand Seiko.
Les modèles de Grand Seiko qui sortiront par la suite s’inspireront beaucoup (ou pas) de ce design très novateur et toujours aussi appréciable 50 ans après.

La 61GS «Arabesque» est un autre parfait exemple de la Grammaire du Design, avec son saphir taillé qui n’est pas sans rappeler un diamant.

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Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

 

Grand Seiko, la belle au bois dormant

Avec la déferlante du quartz sur le marché, Seiko décide finalement d’arrêter la gamme Grand Seiko en 1975 (j’en parlerait dans un prochain article).
La marque sortira de son sommeil en 1988 avec la sortie de montres haut de gamme quartz. Après une décennie de «HEQ» (High End Quartz) pour le marché Japonais, Grand Seiko revient sur la scène des montres mécaniques en 1998 avec la SBGR001 et la SBGR002.
Ces deux modèles poseront les bases de ce que seront les GS modernes: des montres simples et sobres dont le design s’inspire plus ou moins directement des modèles anciens des années 60/70 (sans parler des rééditions vintage évidemment).

SBGR001

SBGR001

SBGR002

SBGR002

En effet, la SBGR002 reprend de manière très directe le design de la première GS de 1960 avec son boitier doré et ses cornes rapportées avec ce chanfrein si distinctif.
La SBGR001 sera elle une version plus modernisée de ce design, qui reprend ce fameux chanfrein mais dans une design plus fluide et actuel. On voit donc que l’idée de s’inspirer du vintage pour faire à la fois une réédition fidèle et une réédition modernisée ne date pas d’hier chez Seiko.

Ce design continuera d’évoluer, avec d’une part des boitiers qui reprennent le style de la première GS et de ses cornes rapportées, et d’autre part avec des boitiers plus fluides et élancés.

SBGR261 - dans l’esprit de la First plutôt que la Grammaire du Design

SBGR261 - dans l’esprit de la First plutôt que la Grammaire du Design

SBGW231, un autre clin d’oeil à la First - Credit Horology House sur YouTube

SBGW231, un autre clin d’oeil à la First - Credit Horology House sur YouTube

SBGR253, l'essence même du design des GS modernes, découle directement de la SBGR001 de 1998, elle même inspirée de la toute première GS de 1960.

SBGR253, l'essence même du design des GS modernes, découle directement de la SBGR001 de 1998, elle même inspirée de la toute première GS de 1960.

SBGH205, une évolution du design moderne de GS. C'est le design de la SBGR001 de 1998 mais plus affuté, plus élancé, avec de plus larges parties polies.

SBGH205, une évolution du design moderne de GS. C'est le design de la SBGR001 de 1998 mais plus affuté, plus élancé, avec de plus larges parties polies.

Puis sortira en 2014 des modèles hommage à la fameuse 44GS qui reprennent son design soit de manière très fidèle, soit de manière plus modernisée.

SBGW047, réédition fidèle de la 44GS de 1967, sortie en 2014

SBGW047, réédition fidèle de la 44GS de 1967, sortie en 2014

Les exemples de “44GS modernisée” ne manquent pas. N’hésitez pas à faire défiler la galerie pour voir les différentes images.

Il y a un autre modèle moderne qui s’inspire clairement d’un design vintage. Il s’agit de la SBGD001/201/202/205 dont le boitier n’est pas sans rappeler celui de la 57GSS

57GSS - Credit www.grand-seiko.com

57GSS - Credit www.grand-seiko.com

SBGD001 - Credit A Blog to Watch

SBGD001 - Credit A Blog to Watch

 

L’épaisseur des Grand Seiko

C’est un point qui revient souvent et qu’il me semble intéressant de traiter ici.
En effet, on reproche souvent aux Grand Seiko d’être des montres trop épaisses lorsque l’on regarde leurs dimensions sur le papier.
Mais cette épaisseur a une raison. En effet, lorsque j’ai cité les valeurs fondamentales de Grand Seiko, vous n’avez pas manqué de remarquer qu’en plus de la lisibilité, les GS se focalisent sur la précision et la fiabilité. C’est pour cette raison que les calibres mécaniques de Grand Seiko sont relativement épais, par soucis de fiabilité et de précision. Les mouvements Spring Drive sont légèrement plus fins et les quartz le sont encore plus.
En effet, comme l’accent est mis sur la robustesse et la précision, les concepteurs de ces montres préfèrent avoir un mouvement plus épais mais qui assure ces deux conditions.
Le design vient dans un deuxième temps gommer l’épaisseur de la montre au poignet de manière très intelligente  et ces montres se portent finalement très bien, en épousant parfaitement le poignet. En effet, d'une part la carrure de la montre vient cacher toute la partie du fond de boite qui disparait au poignet et d'autre part, le galbe général de la montre et la cornes plongeantes permettent de venir épouser le poignet parfaitement.

Ceci étant dit, Grand Seiko a travaillé à réduire l’épaisseur de ses montres, soit avec les mouvements manuels (les 9S63 et 9R01 par exemple) mais aussi avec les nouveaux mouvements sortis en 2020.

Credit Google Images

Credit Google Images

 

Conclusion

Bon, je vous avais dit que je ferais court, mais ceux qui me connaissent ou les lecteurs habitués du blog savaient à quoi s’attendre !  

Je n’ai parlé ici presque uniquement que du design des boitiers GS et surtout de la philosophie de ce design et de ce qu’elle implique pour le polissage et l’épaisseur des boites. J’ai essayé d’être synthétique tout en apportant assez d’informations pour comprendre l’héritage de la marque mais on pourrait continuer à en parler pendant un long moment, que ce soit pour le design des modèles vintage ou celui des montres modernes et de tout ce que cela implique.
J'ai également évoqué rapidement le fameux zaratsu. Mais là aussi, le sujet n'a été qu'effleuré à sa surface mais je vous ferai un article plus approfondi à ce sujet.

Je parlerai plus en détail du design et des finitions coté cadran dans le prochain «Grand Seiko pour les nuls» avant d’attaquer le coté horloger de la chose.

A très vite pour la suite !

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Arnaud.A Arnaud.A

Taro Tanaka au-delà de Grand Seiko

Le nom de Taro Tanaka est quasi systématiquement associé à Grand Seiko, mais sa carrière compte de nombreux autres grands faits d’armes qui font de lui une des personnes les plus importantes de l’histoire de Seiko. Malheureusement, ces hauts faits sont trop souvent ignorés et l’impact qu’a eu Taro Tanaka sur l’évolution de la marque est toujours sous-estimé. Voici qui devrait changer avec cet article !

Les amateurs de vintage et/ou de Grand Seiko sont pour la plupart familiers avec ce nom: Taro Tanaka.

Embauché en 1959 par K Hattori (qui deviendra ensuite Seiko Watch Corporation), il est le premier designer industriel à rejoindre les rangs de l’entreprise. Son nom est intimement lié à Grand Seiko puisque c’est lui qui a mis au point les règles de la fameuse «Grammaire du Design», cet ensemble de préceptes esthétiques qui donnent son identité visuelle à la marque.

Mais Taro Tanaka est un grand incompris. En effet, réduire son oeuvre à Grand Seiko est une grande erreur. Je rajouterais aussi que la «Grammaire du Design» en elle-même est souvent mal comprise, quand bien même c’est la chose pour laquelle il est le plus connu.

L’impact qu’a eu Taro Tanaka sur Seiko dans son ensemble est absolument immense et on peut clairement dire que Seiko ne serait pas là où ils sont aujourd’hui sans lui. 

Alors servez vous un verre de votre breuvage préféré, sortez votre plus belle veste en tweed et ajustez votre moustache, aujourd’hui nous allons marcher dans les pas du grand Taro Tanaka ! Et on va aussi en profiter pour démonter quelques idées reçues en passant.

Credit Image: The Seiko Book

Credit Image: The Seiko Book

Comme nous l’avons vu il y a peu, Taro Tanaka a bénéficié d’un mentor exceptionnel en la personne de Ren Tanaka (ils partagent le patronyme le plus répondu du pays et je ne me permettrais pas de les appeler par leurs prénoms, désolé).

Ren Tanaka a toujours été le supérieur direct de Taro Tanaka et a eu une influence importante sur sa carrière, du début à la fin. Alors que son mentor a donné à Seiko son image d’entreprise (logo, couleurs officielles, uniformisation de l’image), Taro Tanaka a quant à lui, comme nous allons le voir, donné une identité visuelle aux montres. À eux deux, ils ont littéralement changé la face de Seiko à partir de 1960.

Il me semble important de revenir sur la carrière de Taro Tanaka en quelques points.

Je tiens à préciser qu’il n’est pas possible dans un seul article de rentrer dans les détails de chaque sujet, il faudra donc aujourd’hui  vous contenter d’un survol pour essayer de mettre en avant l’importance de Taro Tanaka au-delà de Grand Seiko.


1959, le jeune Taro Tanaka, fraichement diplômé de l’école d’ingénieur de Chiba en design industriel rejoint K Hattori.



Idée reçue numéro 1: Taro Tanaka était un employé de Suwa Seikosha

C’est faux. Je ne sais pas d’où vient cette fausse information que l’on retrouve relayée dans de trop nombreux articles à ce sujet, mais c’est faux. Taro Tanaka dirigeait le service de design de ce qui deviendra Seiko Watch Corporation et travaillait donc à la fois avec Suwa et avec Daini. Il donnait des directives aux deux usines, celles-ci proposaient des mouvements ou des idées. Hiérarchiquement, Taro Tanaka est au sommet de la pyramide pour ce qui concerne le design. Il travaillait au siège du groupe, à Ginza. C’est d’ailleurs la localisation qui l’a poussé à rejoindre Seiko.

Le siège de Seiko Watch Corporation à Ginza de nos jours - Credit Anthony Kable www.plus9time.com

Le siège de Seiko Watch Corporation à Ginza de nos jours - Credit Anthony Kable www.plus9time.com

En 1960, après avoir pris ses marques et découvert les différents fonctionnements de l’entreprise, le jeune Tanaka se retrouve confronté à deux problèmes. Le premier est qu’on lui demande de s’inspirer des montres Suisses pour dessiner les montres, ce qui bride clairement la créativité des designers. Le second est plus complexe. Il faut savoir qu’à cette époque, les designers ne font pas ce qu’ils veulent mais doivent utiliser des mesures spécifiques pour le boitier, le cadran et le verre des montres, en s’appuyant sur un tableau duquel ils ne peuvent pas s’écarter. Mais comme ça ne suffit pas, ils utilisent en plus une unité de mesure héritée de l’Ancien Empire: la ligne. Une ligne correspond à un douzième de pouce, soit l’équivalent de 2,2558 mm. L’unité la plus petite est le quart de ligne, soit 0,564mm. Et pour couronner le tout, ces dimensions sont ensuite arrondies, ce qui rend la tâche très compliquée, d’autant plus que les dessins, prototypes et produits finaux sont tous à des échelles de taille différentes, ce qui donne lieu à de vrais casse-têtes entre conversion ligne/mm et chiffres arrondis manipulés dans tous les sens.

Le tableau qu’utilisent les designers de Seiko avant Taro Tanaka Credit: The Horological International Correspondance nº427 - 1995

Le tableau qu’utilisent les designers de Seiko avant Taro Tanaka
Credit: The Horological International Correspondance nº427 - 1995

Mais les problèmes de ce système de la ligne ne s’arrêtent pas là. La plupart des sous-traitants qui font les boitiers et les cadrans sont passés au système métrique et travaillent avec une tolérance de l’ordre de 0,05mm, soit dix fois plus précis que la plus petite division d’une ligne. 

Entre les mesures aléatoires et la différence de tolérance entre le design et la conception, la fabrication des pièces d’habillage est donc peu précise, ce qui amène à beaucoup de gâchis de matériaux lors de la fabrication et un ajustement entre les pièces très approximatif. Les conséquences directes sont évidentes: faire des produits modernes, en grand nombre, de qualité et vraiment étanches et durables (surtout dans un pays aussi humide que le Japon) est très difficile.

Ce système pose encore de nombreux autres soucis mais je ne rentrerai pas d’avantage dans les détails puisque vous avez compris l’idée générale: la ligne et le standard de design utilisé, c’est l’enfer.

Seulement deux ans après son arrivée, Taro Tanaka va donc révolutionner l’approche du design chez Seiko en créant un nouveau standard qui remplacera l’ancien tableau imposé aux designers et en abandonnant la ligne. Il se réunit donc avec les designers de K Hattori, de Suwa Seikosha et de Daini Seikosha, soit au total pas plus de 10 personnes, et met au point ce nouveau standard millimétrique, en entente et collaboration avec leurs sous-traitants.

Cette nouvelle façon de concevoir les montres adoptée en 1961 va fondamentalement changer le fonctionnement des choses et du point de vue du design, Seiko va rentrer dans une nouvelle ère, avec des designs et des boites beaucoup plus modernes et une meilleure étanchéité. Cette nouvelle approche va également poser les jalons de ce qui deviendra la «Grammaire du Design», mais nous y reviendrons, chaque chose en son temps.


Le premier projet sur lequel Taro Tanaka va pouvoir se pencher avec son nouveau standard est proposé et dirigé par Ren Tanaka. Il s’agit de créer une gamme de montres de qualité, produites en masse pour le marché international et qui cible les jeunes. Ces montres auront tout pour plaire: étanchéité, remontage automatique, jour et date, un look sportif mais pas extrême, une montre qu’on peut porter en toutes circonstances, à la plage, au sport, sous la douche, au travail. Bref, absolument tout ce qu’on peut demander d’une montre moderne et même un peu plus. Pour son époque, c’est un produit très qualitatif et novateur. Mais en plus, il sera proposé à un prix tout à fait abordable puisqu’on vise ici les jeunes. Et c’est évidemment Taro Tanaka qui sera mis à la tête du design pour ce projet, nommé par Ren Tanaka «Sportsmatic Five», un projet qui n’aurait jamais pu être mené à bien sans le nouveau standard de design imposé par Taro Tanaka. 

Credit: Anthony Kable www.plus9time.com

Credit: Anthony Kable www.plus9time.com

Le jeune designer aura l’idée révolutionnaire de placer le jour et la date dans une seule et même fenêtre unique à 3h. A l’époque, cette complication n’est pas courante et on indique généralement le jour de la semaine en entier, dans une fenêtre située à 6h ou à 12h, comme la fameuse Day Date de Rolex (sortie seulement quelques années avant ) par exemple. Mais dans les années 50, les ingénieurs de Seiko ont travaillé d’arrache pied pour mettre au point des montres où les informations sont regroupées: heures, minutes et secondes sont affichés par des aiguilles toutes situées au centre du cadran. On lit l’heure d’un coup d’oeil, de façon bien plus ergonomique. Pour Taro Tanaka, il devrait en être de même pour le jour et la date. Ce détail, pas si anodin que ça à l’époque, donnera naissance à une des caractéristiques de la marque.

La Sportsmatic 5 ref 41897 de 1963 C

La Sportsmatic 5 ref 41897 de 1963
C

L’autre caractéristique de la Sportsmatic Five est la couronne dissimulée à 4h dans la carrure de la montre, pour souligner l’efficacité du système automatique Magic Lever sorti en 1958. Déjà utilisé dans la gamme Seikomatic, cette caractéristique deviendra aussi un des symboles de Seiko.

Encore une fois, on touche ici à un sujet extrêmement riche et significatif et je ne rentrerai pas trop dans les détails dans cet article.

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Mais il me semble quand même important de rappeler que la première Sportsmatic 5 commercialisée en 1963 a été la première montre au monde à recevoir le Good Design Award.





La gamme Five sera un succès planétaire immédiat (entre autres grâce aux JO de Tokyo en 64), devenant un symbole à part entière de Seiko avec plusieurs dizaines de millions de montres produites depuis près de 60 ans. Elles joueront également un rôle déterminant dans la montée en flèche de l’horlogerie Japonaise dans les années 60 et dans la crise horlogère Suisse des années 70 et 80, bien plus que le quartz ! Une autre idée reçue à oublier: ce n’est pas le quartz qui a causé la crise horlogère Suisse, mais ça n’est pas le sujet d’aujourd’hui...

Un dernier point sur les Seiko Five: d’après Taro Tanaka lui-même, la 41897 de 1963 reste à ce jour encore son design le plus réussi.



Idée reçue 2: Taro Tanaka = Grand Seiko



Comme je l’ai déjà dit en introduction, on résume trop souvent Taro Tanaka à son implication dans le design des Grand Seiko, mais il a eu d’autres incroyables réussites qui ont participé à donner à Seiko son image comme nous le voyons tout au long de cet article.

Mais il est vrai qu’on ne peut pas parler de Taro Tanaka sans parler de la fameuse «Grammaire du Design»...


Idée reçue n3: son vrai nom n’est pas la grammaire du design, mais le «Seiko style»


L’idée a germé dans la tête de Taro Tanaka en 1962 alors qu’ils comparait la production horlogère Suisse aux montres Seiko proposées à Wako. Un an plus tôt, il a mis au point le nouveau standard de design de Seiko, ce qui permet plus de créativité et d’évolutions en terme de design, mais la marque peine à trouver ses marques et la comparaison avec les Suisses est toujours aussi inévitable. Il décide donc de pousser la démarche plus loin et de dresser un cahier des charges de consignes à suivre qui doivent donner à Seiko un style qui leur est propre et assurer le succès commercial de ces montres.

Il faut bien se rappeler qu’en 1962, Grand Seiko n’est pas une marque ou une gamme mais un seul modèle, le modèle le plus haut de gamme de Seiko. Donc quand Taro Tanaka commence à se pencher sur la question, son but est de mettre en oeuvre un langage esthétique propre à Seiko dans sa globalité, d’où le nom de «Seiko Style» (prononcé à l’anglaise même en Japonais, ou plutôt à la japanglaise).


Idée reçue n3bis: la Grammaire du Design n’est pas propre à GS et KS...mais...


Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le Seiko Style n’est pas propre à Grand Seiko ou King Seiko, puisqu’il est pensé pour donner une identité visuelle et attirer le client sur l’ensemble de la marque. Mais...mais mais mais...un des points du Seiko Style est l’utilisation de surfaces parfaitement planes, polies de sorte à ne présenter aucune distorsion, c’est le fameux zaratsu. Il en va de même pour les index et les aiguilles. Or, un tel travail demande un vrai savoir-faire et énormément de temps à des ouvriers hautement qualifiés, ce qui se répercute sur le prix final de la montre. On ne retrouvera donc ces caractéristiques pleinement exploitées que sur les montres haut de gamme que sont King Seiko et Grand Seiko. Ce qui ne signifie pas que le Seiko Style n’a pas été utilisé à une moindre échelle sur le reste de la production, bien au contraire. En fait le Seiko Style est une philosophie globale, dans laquelle on retrouve différents “courants” ou différentes applications dont la plus complète se retrouve dans les Grand Seiko à partir de la 44GS.

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Donc comme nous venons de le voir, l’idée du Seiko Style germe dans la tête de Taro Tanaka en 1962. On pense d’ailleurs souvent à tort que l’idée lui est venue comme une épiphanie, un jour de flânerie sur les Champs Elysées de Tokyo, mais il n’en est rien.

Taro Tanaka utilise une expression très spécifique quand il raconte cette histoire. Il dit qu’avec le design terne des Seiko à cette époque, il était impossible de «dépasser la Suisse». En fait, ces mots ne sont pas les siens mais ceux de Shoji Hattori, président du groupe depuis 1946 et dont le mot d’ordre était «Rattraper et dépasser la Suisse» (expression reprise par Pierre-Yves Donzé pour son livre éponyme fabuleux). 

C’est cette idée de dépasser la Suisse qui anime l’entreprise depuis quelques années et qui sera le moteur de tous ses succès dans les années à venir. Mais en attendant, Taro Tanaka planche pour créer un langage visuel qui permettre à Seiko de dépasser la Suisse et donnant une image reconnaissable et luxueuse à ses montres.

Sans revenir sur les différentes règles érigées par Taro Tanaka, le reste de l’histoire est claire: la première montre à incarner parfaitement ces règles est unanimement la 44GS sortie...5 ans plus tard !

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On est donc en mesure de se demander ce qu’il s’est passé pendant 5 ans ! Surtout que lorsqu’on regarde quantité de montres sorties entre 1962 et 1967, on est parfaitement en droit de se demander à quel point le Seiko Style les a influencé, voir même si la 44GS est vraiment la première montre estampillée «Grammar of Design».


Prenons exemple sur la deuxième Grand Seiko sortie en 1963, la 57GSS. Il s’agit de la première montre à bénéficier en partie du fameux polissage zaratsu et elle montre quelques prémices du Seiko Style avec son cadran plat, son double index à 12h, ses aiguilles biseautées etc. Mais elle ne coche pas non plus toutes les cases, avec beaucoup de surfaces arrondies et courbées, sa couronne non intégrée à la carrure, pas d’inclinaisons inversées pour la carrure etc. On peut également penser aux King Seiko comme la King Seiko Calendar (4402) ou la Chronometer (4420), qui laissent entre-apercevoir comment le design évolue progressivement chez Seiko sous la houlette de Taro Tanaka.

44KS ChronometerCredit: Ikigai Watches

44KS Chronometer

Credit: Ikigai Watches

57GSS “Toshiba Special” Credit: Ikigai Watches

57GSS “Toshiba Special”
Credit: Ikigai Watches

Il me semble clair que durant ces 5 années de développement, Taro Tanaka a fait évoluer ce qui allait devenir la fameuse «Grammar of Design» comme on aime l’appeler, en mettant au point certaines règles (le cadran plat date du nouveau standard de design en 1961) et en incorporant peu à peu certains détails dans différentes montres, avant d’aboutir à celle qui sera la plus parfaite expression, la fameuse 44GS de Daini.

Je pense qu’il faut donc voir le Seiko Style non pas comme une vérité absolue établie en 1962 et utilisée en 1967, mais comme une idée qui a fait son chemin dans la tête de son créateur pour évoluer et murir jusqu’à sa plus belle expression dans le chef d’oeuvre de Daini, la 44GS.

Taro Tanaka était un homme raffiné et élégant, et cette image colle parfaitement avec l’image que l’on peut avoir de Grand Seiko. Mais il n’a pas fait que des montres habillées, loin de là ! Il a également marqué l’histoire de Seiko avec la gamme Five comme nous l’avons vu, mais aussi avec les montres sportives et professionnelles.


C’est à lui que l’on doit le design des nombreux chronographes de poche sortis par Seiko à l’occasion des JO de 1964, ainsi que leurs évolutions pour les Jeux d’hiver de Sapporo en 1972. Difficile de faire plus sportif comme pédigrée pour une montre que la participation à deux Jeux Olympiques !

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Modèle amélioré pour les JO de Sapporo 72’ Credit: Seiko Museum

Modèle amélioré pour les JO de Sapporo 72’
Credit: Seiko Museum

Il est également à l’origine de nombreux modèles de plongeuses.


Seiko 6215 et 6159 300mCredit: photo trouvée sur vintagewatchco.com sans citer de source autre que Google Image

Seiko 6215 et 6159 300m

Credit: photo trouvée sur vintagewatchco.com sans citer de source autre que Google Image

C’est à lui que l’on doit le design des toutes premières plongeuses professionnelles de Seiko avec la 6215 et l’année suivante la 6159-7000. Puis il planchera 7 années durant sur la montre ultime pour les plongeurs professionnels, suite à une lettre de plainte écrite par Hiroshi Oshima en 1968, un scaphandrier de la Japan Marine Industry Company, dont la 6159-7000 avait tout simplement explosé lors de la décompression de sa capsule. 

Taro Tanaka travailla en étroite collaboration avec les plongeurs du port de Kure à Hiroshima (également connu pour être la plus grande base navale du Japon et le port d’attache du Yamato) pour développer une montre qui réponde à l’ensemble de leurs besoins. Le jeune ingénieur Ikuo Tokunaga, fraichement diplômé de la prestigieuse Université de Waseda en 1970, travaillera sur le projet mais la paternité de la montre, son design et tout le travail de collaboration avec les équipes de la Japan Marine Industry dès 1968 reviennent bien à Taro Tanaka.

Sortira en 1975 celle qui sera considérée comme la meilleure montre de plongée au monde, la mythique 6159-7010 Grandfather Tuna. Pour cette montre, Tanaka travailla au développement d’une matière lumineuse avec Nemoto Special Chemical, une entreprise Japonaise spécialisée dans les peintures lumineuses depuis 1941. Face au tritium et autres matière lumineuses radioactives alors utilisées communément en horlogerie, son but est de créer, pour les plongeurs de Hiroshima, une peinture lumineuses non-radioactive. Cette peinture exclusive à la Grandfather Tuna, appelée «NW Luminous», sera la première peinture lumineuse blanche et non radioactive au monde, une réelle innovation dans l’histoire de l’horlogerie, et sera donc l’ancêtre de fameux Lumi Brite de Seiko. En 1993, Nemoto vend la licence «Luminova» aux Suisses, tandis que le Lumi Brite reste un produit différent, breveté par Seiko.

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Mais bien que cette montre propose une quantité impressionnante d’innovations, de brevets et de premières mondiales, elle sera remplacée 3 ans plus tard, en 1978, par une version encore plus pointue et cette fois-ci équipée d’un mouvement à quartz: la non moins mythique 7549-7000 Golden Tuna.

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Cet autre échelon dans l’histoire globale des montres de plongée (première plongeuse à quartz au monde) sera également la toute dernière montre conçue par Taro Tanaka. En effet, lorsque Shoji Hattori décède le 29 Juillet 1974m un jeune cadre prometteur du groupe Seiko estime qu’il n’y a pas besoin d’un bureau de design et celui-ci est dissout en 1974, laissant à Daini et Suwa toutes les responsabilité de ce qui concerne le design des montres, sans une autorité qui chapeaute cette lourde tache et donne les directives comme le faisait Taro Tanaka depuis 1959.

De manière assez ironique, lorsque Suwa voulu sortir la Golden Tuna après la dissolution du studio de design, aucun designer n’était en mesure de concevoir une telle montre et ils durent donc faire appel à Taro Tanaka en tant que chef produit.

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi la Golden Tuna vient de prendre une toute autre dimension !

Vous devez donc vous demander ce qu’est devenu Taro Tanaka après la dissolution du studio de design de K Hattori (future Seiko Watch Corp).

Et bien à nouveau, il resta sous la direction de son mentor de toujours, Ren Tanaka, qui établit en Février 1976 le Service Client de K Hattori. Taro Tanaka en fut le manager ainsi que le responsable de la production des catalogues jusqu’à la fin de sa carrière.

Des années plus tard, Seiko Watch Corp. re-créera son studio de design à Tokyo, se rendant compte de la grave erreur commise en 1974, mais cette fois-ci sans Taro Tanaka, déjà parti à la retraite. Ce studio est aujourd’hui dirigé par le talentueux Nobuhiro Kosugi.

La carrière de designer de Taro Tanaka n’aura duré au final qu’une grosse quinzaine d’années, mais il aura fait passer Seiko dans l’ère moderne et aura été un acteur décisif dans la course engagée et remportée par Seiko contre la Suisse. Il mit son talent au service d’une politique globale lancée par Shoji Hattori, fils de Kintaro Hattori, il donna un visage à Seiko et créa aussi bien des montres très populaires comme les Five, des montres très luxueuses avec de nombreuses Grand Seiko, des plongeuses avec la 6105 ou la 6159 300m, des sportives avec les chrono des JO de 64 et 72 ou des montres spéciales avec les Tuna 600m pour lesquelles il fut l’instigateur de ce qui deviendra le Lumi Brite et le Luminova.

Au-delà des montres en elles-même, il mit au point le système de référence de format xxxx-xxxx toujours d’actualité et aida également Seiko à se structurer en interne avec les catalogues, à une époque où Seiko ne garde presque aucune trace de l’inventaire et des résultats des ventes de chacune de ses références.


Taro Tanaka reste à mon sens un des plus grands noms de l’histoire de Seiko et de l’horlogerie en général et j’espère que ce résumé vous aura aidé à mieux apprécier l’impact monumental qu’il a eu au-delà de Grand Seiko.

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Arnaud.A Arnaud.A

Le mystérieux mentor de Taro Tanaka

Taro Tanaka est un nom que connaissent bien les amateurs de Seiko, mais l’histoire de son mentor n’avais jamais été racontée avant. Je vous propose donc de découvrir ce personnage aussi important que méconnu qui mérite le détour puisqu’il a lui aussi marqué profondément l’évolution de Seiko de manière anonyme… jusqu’à ce jour.

Un des noms les plus connus de l’histoire de Seiko est Taro Tanaka. Designer de légende, il a joué un rôle majeur dans l’évolution de Seiko et fut le moteur du succès planétaire de Seiko à la fin des années 60 et dans les années 70, lui qui fut le premier diplômé en design industriel embauché par Seiko en 1959.


Mais il faut savoir que Taro Tanaka avait un mentor, de 10 ans son ainé dans l’entreprise et chef de produit depuis 1950, qui a lui aussi eu une influence primordiale sur Seiko tout au long de sa carrière, de 1949 à la fin des années 80. Il s’agit de Ren Tanaka.

Credit: The Horological International Correspondance

Credit: The Horological International Correspondance



Ce nom ne vous dit surement rien, alors que son impact fut au moins aussi important que celui de Taro Tanaka.


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J’ai pris connaissance de l’existence de cet acteur essentiel en lisant l’interview de Taro Tanaka publiée dans le livre «The History of Seiko 5 Sports Speed-Timer» par Sadao Ryugo mais internet était absolument silencieux à son sujet. C’est finalement dans le International Clock Communication que l’on retrouve à ma connaissance les seules informations sur ce monument de Seiko.

Je vous propose donc aujourd’hui de découvrir les plus grandes réalisations de celui qui fut le mentor de Taro Tanaka.


Au début des années 50, Ren Tanaka a développé et nommé le TimeGrapher, cet outil que connaissent tous les horlogers du monde. A l’époque, les Suisses utilisent un outil équivalent appelé Vibrographe. La machine de Ren Tanaka eu un grand succès international, pour devenir un des outils capitaux de tout horloger encore aujourd’hui. 

Seulement un an après son arrivée chez K Hattori (aujourd’hui Seiko Group), Ren Tanaka devient chef de produit, supervisant les productions de Daini et Suwa dans cette décennie décisive où naîtra la rivalité aujourd’hui encore d’actualité entre ces deux maisons, rivalité dans laquelle il aura donc joué un rôle important. Fait important à souligner, c’est d’ailleurs lui qui est à l’origine des noms King Seiko et Grand Seiko, symboles essentiels de cette rivalité fraternelle.

Credit Seiko Museum

Credit Seiko Museum

Credit Seiko Museum

Credit Seiko Museum

60 ans après, son héritage est toujours d’actualité puisque comme vous le savez, Grand Seiko fête ses 60 ans cette année.


En 1961, il commercialise un produit qui peut sembler anecdotique mais qui finalement représente bien le côté visionnaire de son créateur: les Disney Time.


A cette époque, les montres sont des produits réservés en immense majorité aux adultes mais Ren Tanaka a l’idée de «planter la graine» de Seiko dans l’esprit des plus petits en faisant des montres pour eux. Il vise donc les enfants de 4 ou 5 ans et visite des écoles pour mieux comprendre les goûts des bambins. Il se rend ensuite à Los Angeles pour rencontrer Roy Disney, frère de Walt Disney et président de Walt Disney Productions, afin de négocier l’utilisation du nom et des personnages Disney les plus emblématiques. 

Roy Disney - Credit chroniquedisney.fr

Roy Disney - Credit chroniquedisney.fr

Quand la télé couleur a fait son apparition au Japon en 1960, les gens furent marqués par les couleurs éclatantes. La priorité de Ren Tanaka fut donc d’aboutir au même rendu des couleurs sur le cadran des montres, qui doivent tout de même rester très abordables. La première génération de Disney Time sera équipée de cadrans en papier. 

Credit Seiko Museum

Credit Seiko Museum


Les montres seront commercialisées en 1961, avec un gros travail sur le packaging pour plaire aux enfants, au prix de 1950¥ (l’équivalent de moins de 30€ aujourd’hui). Ce fut un succès immédiat dans les cours de récréation et la gamme Disney Time sa poursuivit jusque dans les années 80.

Credit: The Horological International Correspondance

Credit: The Horological International Correspondance

Cet exemple qui peut sembler anodin de prime abord montre bien que Ren Tanaka est un chef de produit avec une vision, quelqu’un qui arrive à sortir du cadre pour proposer des montres très intéressantes et faire de vraies avancées dans le marketing.

Mais un des faits d’armes les plus marquants de Ren Tanaka est sûrement d’avoir dessiné le logo de Seiko à la fin des années 50. C’est en effet lui qui a créé la typographie mythique de la marque encore aposée aujourd’hui sur les milliards de cadrans produits depuis 60 ans par la firme Tokyoïte et l’intégralité de leur communication. L’identité visuelle de la marque était pour ainsi dire inexistante à cette époque et c’est en voyant celle de l’American Airline qu’il se décida à créer un logo pour Seiko. C’est également lui qui a choisi, avec l’approbation de Shoji Hattori, le bleu typique de la marque à l’occasion des JO de Tokyo en 1964, ce qui vint compléter l’identité visuelle de Seiko.

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Le logo et la couleur Seiko sont d’après Ren Tanaka lui-même deux de ses trois plus grands succès. Le troisième, et pas des moindres, est la création des Seiko 5.

Il faut comprendre qu’à cette époque, le fonctionnement de Seiko était très différent d’aujourd’hui. L’idée était de dire «comment peut-on vendre ce qu’on fabrique», ce qui explique que le service des ventes était hiérarchiquement au-dessus du service de planification de produit, au point qu’un directeur des ventes pouvait décider si un produit apparaît ou pas au catalogue sans en faire part aux designers ou aux chefs de produit. Mais Ren Tanaka a décidé de changer complètement l’état d’esprit de l’entreprise en inversant les choses: il fallait maintenant concevoir des produits qui se vendent, et donc mettre l’accent sur le marketing. Il s’est pris de passion pour le marketing et s’est mis a l’étudier en se plongeant dans les livres occidentaux, puisque le marketing n’était pas quelque chose de très développé à cette époque au Japon.

C’est de là qu’est née l’idée de la Seiko Five, commercialisée en 1963.

Credit: www.plus9time.com

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Le design fut confié à Taro Tanaka et «the rest is history» comme disent les anglophones. Le succès fut incroyable et a donné naissance à une gamme de montres absolument emblématique pour Seiko et fut un des déterminants essentiels du succès de Seiko dans les années 60 et 70. 



Ce sujet à lui seul mérite très largement un article et je reviendrai donc dessus plus tard. 



Tout comme avec Grand Seiko, tout comme avec l’identité visuelle de la marque, son héritage encore une fois s’est pérennisé jusqu’à aujourd’hui, avec la gamme Seiko 5 Sports renouvelée l’an dernier et qui reste encore un des grands succès commercial.

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Un des autres évènements essentiels de l’histoire de Seiko dans les années 60 est leur participation aux JO de Tokyo de 1964 en tant que chronométreurs officiels, une histoire partiellement racontée dans l’article «Comment Seiko est rentré dans le club très fermé de la chronométrie sportive».


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La fabrication des grandes horloges est la responsabilité de Seikosha Clock Factory, les chronographes et les instruments de mesure du temps pour la natation sont fabriqués par Daini Seikosha, les fameux chronographes à quartz Crystal Chronometer sont fabriqués par Suwa et les trois usines se partagent la production des chrono à imprimante. Et vous l’avez déjà deviné, le chef d’orchestre qui oeuvre dans l’ombre pour diriger tout cet effort pour faire rentrer la chronométrie sportive dans une nouvelle ère n’est autre que Ren Tanaka.

Credit www.plus9time.com

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Son expérience dans la direction de tels projets l’amène à prendre la tête de l’équipe en charge des produits pour l’Exposition Internationale d’Osaka en 1970. Il dirigea également les équipes de Suwa et Daini pour le développement des solutions de chronométrie pour les Jeux d’Hiver de Sapporo en 1972, deux évènements importants dans l’histoire de Seiko pour assoir leurs succès des années 60 au lendemain du tournant historique du quartz.

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Credit: www.plus9time.com

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Son côté visionnaire, son excellent leadership et ses nombreuses qualités en tant que chef de produits ont su convaincre Shoji Hattori, PDG de Seiko, pour lui confier des projets de plus en plus importants pour le groupe.

En 1976, Ren Tanaka organise la mise au point du Département Service Client, dont il met l’importance en valeur en insistant sur le fait qu’un SAV doit aussi être vu comme un Service Avant Vente, qui permet de consolider la réputation d’une marque et de rassurer le client, une autre preuve, s’il en fallait de sa compréhension du marché et du marketing.

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Le fait de mettre en avant l’individu ne fait pas partie de la culture Japonaise et je pense que c’est ce qui explique le fait qu’aujourd’hui encore, beaucoup des noms des femmes et des hommes qui ont façonné l’histoire de Seiko restent aujourd’hui inconnus du grand public. J’ai été sidéré de découvrir le silence assourdissant qui entoure une personne aussi importante que Ren Tanaka. C’est un privilège de pouvoir mettre ce nom en lumière afin qu’il soit reconnu pour ses innovations et l’empreinte indélébile qu’il aura laissé dans l’histoire de Seiko.

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Arnaud.A Arnaud.A

SLGH002: la montre d'une nouvelle ère

Avec la sortie de la SGLH002 et de son tout nouveau calibre 9SA5, Grand Seiko signe son entrée dans une nouvelle ère. Je vous propose donc une analyse en profondeur de ce que représente cette montre, son inspiration, son design, son mouvement et ce qu’elle laisse entrevoir de l’avenir de la marque.

Pour Grand Seiko, 2020 est une année clé puisque nous fêtons deux anniversaires: les 60 ans de Grand Seiko, et le 160ème anniversaire de la naissance de Kintaro Hattori, le fondateur de Seiko.


Comme le précise Shinji Hattori dans son dernier communiqué vidéo, 60 est un chiffre significatif dans l’horlogerie, mais il l’est encore plus dans la culture Japonaise. En effet, selon le zodiac Chinois, lorsque l’on fête son 60ème anniversaire, on se retrouve à nouveau sous le signe de sa naissance, d’où le symbole de la renaissance, la fin d’un cycle et le renouveau d’un autre, un nouveau départ en somme. Les Japonais appellent ça «kanreki».


Grand Seiko a donc fait plusieurs annonces matérialisant ce nouveau départ et je pense qu’une montre en particulier illustre la nouvelle dynamique qui anime Grand Seiko: il s’agit de la SLGH002

Credit: Joe Kirk

Credit: Joe Kirk



Le nouveau calibre 9SA5



Fait assez exceptionnel en lui-même pour être souligné, Grand Seiko sort un calibre exclusif et entièrement nouveau: la  calibre Hi Beat 9SA5.

Ne vous laissez pas méprendre par le nom, il s’agit bel et bien d’une base totalement nouvelle, chose qui n’était pas arrivé à Shizukuishi depuis 1998 et la naissance du 9S sous l’égide d’Akira Ohira, ce qui montre bien l’importance que revêt cette annonce.



Grand Seiko a dores et déjà annoncé qu’il s’agissait d’un calibre qui servira de base à d’autres évolutions par la suite, comme le 9S a évolué lui en diverses version (manuelle, GMT, Hi Beat etc).

Credit: Joe Kirk

Credit: Joe Kirk

Alors, qu’apporte ce nouveau mouvement?



La première chose qui saute au yeux, c’est l’esthétique. Là où le 9S était bien fait mais quelque peu austère dans ses versions de base, le 9SA vient répondre à une critique bien souvent faite à Grand Seiko: visuellement, le mouvement n’est pas aussi sexy que le reste de la montre. Et cela se comprend aisément, les décorations des mouvements n’ont jamais fait partie de l’ADN de Grand Seiko et durant toutes ses premières années de production, le 9S était caché sous un fond plein. Il n’était donc pas fait pour en mettre plein les yeux, mais pour être robuste et précis.

Le 9S65, désormais un grand classique

Le 9S65, désormais un grand classique

Le nouveau 9SA5

Le nouveau 9SA5

Ici, on voit clairement que Grand Seiko a produit un mouvement visuellement très beau avec des ponts symétrique et un pont traversant pour le balancier, ce qu’on n’avait pas vu depuis la 45GS de 1968. Ici en plus, le pont est ajustable en hauteur. Mais je trouve également que ce nouveau mouvement a un air très Européen avec un rotor qui m’évoque Lange & Sohne ou encore ces ponts qui ne sont pas sans rappeler Omega. On sent clairement que la marque s’est tournée vers l’Occident et s’adapte à sa nouvelle cible et je trouve ça intelligemment fait.


Je ne vous cache pas que j’ai été quelque peu déçu, lors de l’annonce de ce mouvement, que les tolérances chronométriques n’aient pas évolué. Mais finalement le standard Grand Seiko reste le même, de la même manière qu’il resta globalement le même lors de la renaissance de la marque en 1998. Et quand on connait l’humilité de Grand Seiko de ce côté-là, on sait qu’on n’a pas de soucis à se faire.

On peut également comparer ça au 9F: Seiko sait faire des quartz d’une précision de +/- 5 secondes par an depuis 1978 et le 9F n’a pas essayé de faire mieux de ce côté là, mais il a permis de proposer plus de fiabilité, de durabilité, d’innovations etc. 

Ici, je trouve finalement qu’on est dans une optique semblable: la précision reste toujours aussi excellente, mais ce calibre amène de nouveaux arguments qui ne peuvent pas laisser insensible toute personne qui s’intéresse à la mécanique horlogère.



Ces évolutions peuvent être résumées en quatre points:

- une plus grande réserve de marche

un tout nouvel échappement à double impulsion

un nouveau couple balancier spiral

un train de rouage horizontal




Pour rappel, l’autre mouvement Hi Beat de Grand Seiko, le désormais classique 9S8x, propose une réserve de marche de 55h. Ici, la réserve de marche passe à 80h, soit près de trois jours et demi, une prouesse pour un mouvement à 36000 alternances !

Ceci est rendu possible par l’utilisation de deux barillets et du nouvel échappement.

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Ce nouvel échappement semble très intéressant car il offre un avantage essentiel en horlogerie: moins de frottements. Et qui dit moins de frottements dit moins d’usure et une plus grande réserve de marche.

Il s’agit donc d’un échappement à double impulsion, l’une directe et l’autre indirecte, qui transmet l’énergie de manière plus efficace. Je ne permettrai pas de commenter sur la ressemblance ou non avec le Co-Axial d’Omega sans avoir eu de plus amples informations par un horloger. Il reste cependant important de noter qu’il s’agit, à ma connaissance, du seul échappement à double impulsion au monde qui batte à 36000 alternances par heure.

Cependant, un ami Japonais qui écrit pour WatchMediaOnline, spécialiste de technique horlogère, s’est penché en détail sur ce mouvement et m’a confié l’avoir trouvé vraiment révolutionnaire et clairement supérieur au Co-Axial.

Edit: après plusieurs discussions avec des amis amateurs de technique, il semblerait que cet échappement soit très proche de l’échappement Robin (1791) qui a déjà été amélioré par Audemars Piguet dans les années 2000. Ici, Grand Seiko améliore encore ce système, ce qui permet de limiter encore plus les frottements et également d’en faire un mouvement à 36000 alternances.

En quelques sortes il s’agit du meilleur des deux mondes entre un échappement à détente (peu de frictions) et un échappement à ancre (sécurité). Quant au Co-Axial, ce nouveau mouvement Grand Seiko le surpasse sur deux points essentiels: moins de frottements (ce qui était l’atout principal du Co-Axial) et un fonctionnement global plus simple, avec moins de pièces.

Tout ceci confirme l’inspiration Helvétique de ce mouvement mais comme toujours avec les Japonais, ils ne se contentent pas de reprendre ce qui existe, mais il l’intègrent pour l’améliorer.

D’autres questions restent encore en suspens pour l’instant, mais ces quelques points laissent déjà entrevoir l’excellence incontestable de ce nouveau mouvement 9SA5 !

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Pour aller avec ce nouvel échappement, Grand Seiko a également développé un nouveau couple balancier spiral, avec un balancier à vis (ou balancier à inertie variable), une technologie utilisée depuis longtemps en Suisse, et un courbe terminale sur le spiral. Il s’agit d’une courbe unique (et donc pas Breguet ou autre) et idéale, obtenue après plus de 80 000 simulations.

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Le but de cette courbe est de faire en sorte que le spiral se déploie (ou «respire») de manière parfaitement concentrique, sans quoi son centre de gravité se déplace, ce qui nuit à sa régularité. 

Le but des vis quant à elles est de régler les oscillations du balancier de manière précise sans toucher au spiral, à l’image d’une patineuse artistique qui va tendre ou plier ses bras pour tourner plus ou moins vite sur elle-même.


Enfin, le train de rouage a été posé à plat, ce qui permet un gain de 15% d’épaisseur pour ce nouveau mouvement, répondant donc ainsi à une autre critique commune faite à Grand Seiko: l’épaisseur de ses montres.

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Voilà, vous pouvez souffler, la partie technique est terminée !




Globalement, ce qu’il faut retenir c’est que Grand Seiko, avec ce nouveau mouvement, montre clairement une attention toute particulière à la demande occidentale pour des mouvements plus beaux et plus fins, mais continue d’innover et de moderniser ses calibres, comme ils ont toujours su le faire depuis 1960. Après tout, Grand Seiko reste synonyme de l’excellence horlogère à la Japonaise !



Un nouveau design très intéressant




Il y a beaucoup de choses à dire sur ce nouveau design et il m’a fallu du temps pour digérer toutes les informations.

La chose que j’aime le plus, c’est qu’on retrouve un parfait mélange de clins d’oeil au passé et de modernité, tout en restant dans une montre classique...mais pas trop.


Comme vous le savez déjà, l’essence de Grand Seiko a toujours été de faire la montre parfaite, une montre pour la vie de tous les jours, pratique, précise et lisible, des valeurs somme toute très pragmatiques.


Et ici, la première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est la taille de l’aiguille des heures. Dès la première Grand Seiko de 1960, on retrouve une aiguille des heures plus large que celle des minutes afin d’augmenter la lisibilité. On retrouve également un relief au centre de l’aiguille, clin d’oeil élégant aux aiguilles dites «mountain» de la First. 

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Pour aller dans le sens de la lisibilité, on retrouve un autre détail ancré dans le design de GS: un index de 12h doublé.
Ces deux détails, omniprésents dans l’esthétique de GS, sont ici exagérés, ce qui déplaira peut être à certains mais donne à cette montre un look plus affirmé et moderne.


Le cadran propose un autre clin d’oeil au passé, celui-ci plus évident: le logo Special Dial situé à 6h. Cette étoile à huit branches sera familière des amateurs de vintage et signe l’utilisation d’or massif pour les index. On le retrouve sur de nombreuses pièces haut de gamme des années 60 et il a fait son retour récemment sur les sublimes SBGZ001 et 003.

Le seul point négatif à mes yeux est la mention «80 hours» sur le cadran qui me semble superflue et manque d’élégance.

Regardez à partir de 5:02 pour les images de la SLGH002


La Grammaire du Design exige également d’avoir un lunette biseautée afin de proposer des jeux de lumières intéressants. Ici aussi, ce détail est poussé à l’extrême avec cet angle très prononcé entre la partie inclinée polie et la partie supérieure brossée. Cette différence de finition entre les deux surfaces vient augmenter le contraste, détail qui n’avait jamais été réalisé jusqu’à présent sur une production de Morioka.

Il s’agit là d’une entorse à la Grammaire du Design, mais l’esprit global du style GS est respecté puisqu’on a droit ici à des jeux de lumière encore plus dramatiques que sur les lunettes habituelles entièrement polies.


La couronne quant à elle est légèrement encastrée, comme le veut la Grammaire du Design, et d’une taille généreuse, ce qui rejoint la côté «pratique» et simple d’utilisation que doit revêtir une Grand Seiko.

La première GS moderne de série, la SBGR001, avait vu la taille de sa couronne augmentée lors de l’amélioration de ce modèle au début des années 2000 et la facilité de manipulation de la couronne est un critère non négligeable dans la facilité d’utilisation d’une montre. Le genre de détail qui a toute son importance sur une GS !

Credit: CC Fan de WatchMediaOnline

Credit: CC Fan de WatchMediaOnline


Un autre point important à relever sur la couronne est son emplacement. Un effort a été fait pour la situer plus près du poignet, parfaitement au milieu de la hauteur du boitier, afin d’abaisser le centre de gravité de la montre et la rendre plus agréable au poignet (un autre avantage du nouveau calibre).

Credit: Horoguides.com

Credit: Horoguides.com

La forme des cornes est très élégante et bien qu’elle me semble peut être moins complexe que la 44GS moderne, elle présente un large triangle poli à l’intérieure des cornes, une forme complexe à réaliser d’après les maîtres polisseurs de Grand Seiko car sans une parfaite symétrie, l’équilibre tout entier de la montre est perdu. On retrouve également ce large chanfrein poli qui parcours toute la carrure de la boite, une signature des Grand Seiko modernes. La façon dont ce chanfrein vient rejoindre une petite facette parfaitement polie n’est pas sans me rappeler la 62GS. 

De profil, la montre est également plus galbée que d’habitude pour parfaitement venir épouser le poignet, là où les modèles habituels ont plutôt des cornes inclinées et une carrure droite.

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Boitier classique des SBGR, ici une SBGR085.

Boitier classique des SBGR, ici une SBGR085.

On distingue ici aisément à la fois la courbure plus continue du nouveau boitier, mais aussi le gain en épaisseur qu’offre le nouveau mouvement, pour un profil beaucoup plus élégant et équilibré.


Dans l’ensemble, on reconnait qu’il s’agit d’une Grand Seiko au premier coup d’oeil, mais pourtant, il s’agit clairement d’un nouveau design plus osé, plus marqué et je trouve que c’est là que réside le tour de force de ce modèle: tout comme pour le mouvement, on voit clairement que Grand Seiko réinvente ses codes pour s’adapter à sa nouvelle cible. Là où certains diront que GS force le trait et perd en subtilités et nuances, je vois un effort de rester fidèle à son ADN tout en rendant le message plus clair et lisible pour les occidentaux, en y rajoutant une touche de modernité.


Et c’est en ça que je trouve cette montre particulièrement intéressante et réussie. Elle est le symbole de cette renaissance voulue pour Grand Seiko qui n’est plus une marque domestique mais bien une marque globale, qui sait s’adapter à la demande et au marché, en restant fièrement ancrée dans son histoire et ses traditions tout en se réinventant et en se modernisant. 


Alors que la production du Shizukuishi Watch Studio de Morioka a toujours été classique, dans la tradition de Grand Seiko, celle du Shinshu Watch Studio de Shiojiri (à qui ont doit les modèles équipés de 9F et 9R) a toujours représenté la modernité et l’innovation. Il est intéressant de voir que cette fois-ci, les équipes de Shizukuishi nous proposent une nouvelle dynamique avec un design plus engagé et je pense que nous allons voir des choses magnifiques en provenance directe d’Iwate dans les prochaines années.



Je parlais en introduction de la symbolique de kanreki, ce retour de 60 ans en arrière pour se projeter dans les 60 prochaines années. Cette montre en est la parfaite incarnation pour Grand Seiko: comme il y a 60 ans, le lion Grand Seiko a sorti les griffes et vient défier les Suisses.

Credit: @Masaharu.Me sur Insagram

Credit: @Masaharu.Me sur Insagram

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Arnaud.A Arnaud.A

Duel au Pôle Nord : Seiko VS Rolex

Naomi Uemura est un grand explorateur Japonais mais une de ses aventures au pôle Nord fut l’occasion involontaire de confronter Seiko à Rolex dans les conditions les plus extrêmes qui soient ! Retour sur une expédition hors du commun qui mêle aventure humaine et horlogerie.

Parmi les plongeuses emblématiques de Seiko, on retrouve la 6105-8110 aka Apocalypse Now ou Captain Willard par chez nous, mais surnommée la Naomi Uemura au Japon.

Bien qu'on la retrouve au poignet de Martin Sheen dans le film de FF Copola puisqu'elle a équipé de nombreux soldats Américains au Vietnam, au Japon elle est plus connue pour avoir longtemps accompagné un des plus grand explorateurs Japonais, Naomi Uemura.

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Uemura était connu pour ses exploits en solo. Avant ses 30 ans, il avait fait le Kilimanjaro, le Mont Blanc, le Cervin et l'Aconcagua en solo. En 1970, il fait partie de la première expédition Japonaise au sommet de l'Everest. Il a également parcouru les 6000km de l'Amazonie seul sur un radeau.

Mais il est surtout connu pour être la première personne à rejoindre le Pôle Nord en solo en 1978.

Pour son expédition au sommet du monde en 1970, il porte une Seiko 6159-7000 sortie en 1968 avec son boitier monobloc et son calibre Hi Beat ajusté aux normes Grand Seiko.

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Il traverse ensuite le Grand Nord Canadien avec ses chiens de traineaux en 1975 et 1976, ce qui lui vaut quelques expériences marquantes.

Un matin, il entend un ours fouiller dans ses affaires et manger une partie de sa nourriture. Le lendemain matin, Uemura était prêt et il abat le prédateur d'une balle à bout portant dans la tête. Plus tard, il se retrouve bloqué et à la dérive avec son traineau et ses chiens sur un morceau de glace qui s'est séparé de la banquise. Après une interminable attente, une petite passerelle de glace de moins d'un mètre de large se reforme et lui permet à lui et à ses chiens de continuer leur route de manière plus sereine.

Suite à ses exploits, il reçoit l'Explorer Award en 1976 et Rolex Japan lui offre une Explorer II.

Extrait d’un livre sur Naomi Uemura 1655

Extrait d’un livre sur Naomi Uemura 1655

Et c'est là que les choses deviennent intéressantes...



Il part donc pour le Pôle Nord en 1978 avec la Rolex au poignet. Mais les températures polaires (au sens propre du terme) lui font craindre des engelures au niveau de la montre, qu'il porte sur son bracelet acier. Il la passe donc sur cuir mais la montre ne supporte pas les vibrations très fortes liées à ses déplacements en chien de traineau et le cuir ne tarde pas à lâcher. Il ne trouve pas d'autre solution que de porter la montre à sa taille mais sans la chaleur de son poignet et dans des températures extrêmes, les huiles du mouvement figent et la montre s'arrête. 

Lors d'un ravitaillement, il rencontre Mr Sugawara de l'hebdomadaire Bunshun qui suit son périple et lui apporte du ravitaillement. Sugawara propose à Uemura d'échanger sa Rolex qui ne marche plus contre sa propre Seiko 6105...

Credit Fratello Watches

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Sugawara repart avec la Rolex et il racontera plus tard qu'un fois revenue à température, la montre s'était remise à fonctionner sans soucis.

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De son côté, Uemura Naomi continue son périple à travers le Grand Nord. 

Et à son poignet, la 6105 de Sugawara. Un jour de grand froid, la montre s'arrêtera momentanément mais le fait qu'elle soit portée sur un bracelet en caoutchouc réduit grandement le risque d'engelures et lui permet de la porter jusqu'à l'arrivée de ce périple incroyable.

Lors de son retour au Japon, Sugawara propose à Uemura de lui rendre sa Rolex, mais Uemura l'offre à Sugawara et il gardera finalement la 6105 encore de nombreuses années à son poignet.

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Il perdra la vie en 1984 en redescendant le Mont McKinley.

Le sujet des engelures restera au coeur des préoccupation de Seiko pour ce type de montre et quelques années après, lors du développement de différents modèles dits "Landmaster" pour d'autres explorateurs ou en l'honneur de Uemura, Seiko utilisera des revêtements spéciaux et du titane pour éviter tout risque d'engelures lorsque la montre est portée à même la peau dans des conditions extrêmes.
Ces montres utiliseront d'ailleurs toutes la fonction GMT, à l'image de l'Explorer II de Uemura.

Naomi Uemura apparait d'ailleurs sur une pub Rolex pour sa GMT Master, probablement avant l'expédition de 78.

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De manière assez ironique après coup, la pub finit sur ces mots:
"Quand je m'engage dans une aventure, je sais au plus profond de moi que je peux le faire. Quand j'ai choisi Rolex, j'ai su de la même manière que ma montre ne me laisserait pas tomber."

Loin de moi l'envie de relancer une énième et stupide guerre Rolex vs XXX, mais l'histoire et les aléas des aventures polaires de Uemura auront permis à Seiko de mener et remporter un beau duel contre la reine des montres d'aventurier, la fameuse Rolex Explorer II.

l s'agit là d'une des aventures de la belle histoire de Seiko et de ses nombreux exploits trop mal connus. Mais la 6105 est sûrement la plongeuse de Seiko qui aura connu le plus d'histoires extraordinaires aux poignets d'explorateurs, soldats américains et autres aventuriers de la fin du XXème siècle. Et c'est un réel honneur pour Seiko d'avoir réussi à battre la mythique Rolex Explorer sur son propre terrain !

Seiko a sorti l’an dernier une rééditions de plongeuses mythiques avec la SLA033 qui reprend très fidèlement la 6105-8110. Et 2020, ils sortent une version modernisée et plus abordable avec les SPB151 et 153.

Credit Fratello Watches

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Pour un bel hommage en Français à ce grand explorateur, je vous conseille vivement cette lecture rapide:
http://transpolair.free.fr/explorateurs/uemura/uemura.htm

"La mémoire de Naomi Uemura [...] a ému, unanimement et profondément, non seulement le Japon, l' Alaska et tout le monde de l'exploration polaire, mais aussi le Groenland et particulièrement Thulé, où l'explorateur japonais avait résidé pendant une année, en 1977-1978, et que les Esquimaux polaires considéraient comme un frère de race et un ‘géant’. "

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